Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/539

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Je cède à des transports que je ne connais pas;
Et, par un mouvement que je ne puis entendre,
De ma fureur je passe au zèle de mon gendre.
C’est lui, n’en doutez point, dont le sang innocent
Pour son persécuteur prie un Dieu tout-puissant;
Son amour épandu sur toute la famille
Tire après lui le père aussi bien que la fille.
J’en ai fait un martyr, sa mort me fait chrétien :
J’ai fait tout son bonheur, il veut faire le mien.
C’est ainsi qu’un chrétien se venge et se courrouce.
Heureuse cruauté dont la suite est si douce!
Donne la main, Pauline. Apportez des liens ;
Immolez à vos dieux ces deux nouveaux chrétiens,
Je le suis, elle l’est, suivez votre colère.

PAULINE.

Qu’heureusement enfin je retrouve mon père !
Cet heureux changement rend mon bonheur parfait.

FÉLIX.

Ma fille, il n’appartient qu’à la main qui le fait.

SÉVÈRE.

Qui ne serait touché d’un si tendre spectacle !

De pareils changements ne vont point sans miracle.

Sans doute vos chrétiens, qu’on persécute en vain,

Ont quelque chose en eux qui surpasse l’humain ; 1790

signale et critique ces irrégularités d’orthographe, familières aux meilleurs écri- vains du ivii" siècle.

1772. (1 Un moyen aussi extrnordinaire qu’un miracle peut être admis une fois, mais ne doit pas être répété. Corneille en abuse quand il l’emploie successive- ment pour Pauline et pour Félix ; c’est trop d’une fois ; il y a là quelque chose de monotone... Le spectateur admet bien que Pauline se convertisse : la conver- sion au christianisme est une récompense que mérite cette hounète femme ; mais le vil et méprisable Félix devrait en être exclu. » (La Harpe.)

1775. Sur épandre, voyez la note du v. 480. Ici parait plus justifiée la dis- tinction que M. Littré établit entre épandre ti répandre : « Epandre indique dans l’action une sorte d’ordre et d’arrangement qui n’est pas dans répandre. » Ajoutons n>ïépandre exprime une idée d’heureuse abondance, de prodigalité même, et que répandre ne s’y pourrait pas substituer, par exemple dans ces vers où La Fontaine définit la conversation des honnêtes gens au xvii" siècle:

C’est un parterre oi’i Flore épand ses biens : Sar diirérenle!^ fleurs l’abeille s’y repose

Et fait du miel de toute chose. {Fables, X, 1.)

1776. Les exemples sont assez rares de cette acception favorable de tirer après soi dans le sens d’entraîner.

1787. Qui? Plus d’un spectateur sans doute, de ceux qu’émeut la conversion de Pauline et qu’étonne seulement celle de Félix. Tendre, attendrissant, touchant «’applique plus souvent aux personnes qu’aux choses.

1788. Nos plaisirs les plus doux ne vont point sans tristesse. {Horace, \, 1.) La perte d’un époux ne va point sans soupirs. (La Fontaine, VI, 21.)

1790. L’humain, adjectif pris substantivement, au sens neutre, pour ; It «ourage humain, les forces humaines. C’est un latinisme.

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