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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/55

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INTRODUCTION 89

rapprochent l'un de l'autre. M. Saint-Marc Girardin, par exemple, vante la délicatesse du vieil Horace, qui sait consoler comme on console, en s'associant à la douleur de sa fille et de sa bru. Nous craignons, au contraire, qu'il ne soiL un fort médiocre consolalcur. Eh quoi! les plus chères espérances de Camille viennent d'être tranchées dans leur Heur; il la voit atteinte au plus profond de l'âme par la mort de son fiancé. En cette siLualion terrible, quelles paroles ce père Irouve-t-il pour alléger la douleur de sa fille? Il lui parle de l'État sauvé, de Home triomphante, comme si toutes ces froides raisons pouvaient arrêter l'explosion de ce fiévreux désespoir! Il va plus loin : celle âme déjà froissée, il ne craint pas de la froisser encore par les considérations les plus vulgaires, les plus Iristcmenl pratiques, les plus indi- gnes de lui et d'elle. Alors que l'image de Curiace sanglant l'occupe tout entière, il ose lui parler d'un autre fiancé, d'une autre union prochaine :

En la raort d'un amant, vous ne perdez qu'un homme Dont la perte est aisée à réparer dans Rome : Après cette victoire, il n'est point de Romain Qui ne soit glorieux de vous donner la maini.

D'où lui vient cette gaucherie naïve que, chez d'autres, on qualifierait plus sévèrement? De ce qu'au fond il comprend le palriolisme comme son fils, de ce qu'il n'admet pas qu'on se plaigne quand la patrie est victorieuse, de ce qu'il subor- donne tous les autres sentiments à ce sentiment jaloux et absolu. Ne le prouve-t-il pas quand, armé de sa toute-puissance paternelle*, il jure de punir par ses propres mains son fils de sa lâcheté? Le jeune Horace, ce dévot de la patrie, intolérant comme tous les dévots, frappe sa sœur, parce qu'elle a, comme on dirait aujourd'hui, blasphémé le saint nom de Rome. Le vieil Horace veut frapper son fils, parce que, seul contre trois, il a renoncé à un combat devenu presque impossible. Des deux côtés, sauf les différences de mesure et de situation, le patriotisme n'esl-il pas également exclusif?

Mais le vieil Horace est, dil-on, p'us tendre et plus humain que son fils. Oui, sans doute, elil n'y apoint làdecontradiction : car le vieil Horace, c'est le jeune Horace vieilli, attendri, apaisé. Si le palriolisme chez tous deux est le même, il revêt chez tous deux des formes diverses. Prétendra-t-on — malgré le plai- doyer du cinquième acte, où le père s'identifie avec le fils —

I. Acte IV, se. III.

î, $1^ cptt^ tpute-puiasfioce, voU la première partie ie l'IqtfQJuçtipa,

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