Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/57

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INTRODUCTION 4t

appelé par lui Horace le père. On objecte que Corneille peinl des héros absolus et tout d'une pièce, que son imagination, éprise d'un pur idéal, dédaigne les nuances, les sonlimenls mixtes et -ontradictoires où triomphe Racine, qu'il conçoit une passio-i abstraite et la suit jusqu'au bout en ses consé- quences logiques; que, par suite, chez Horace, le palriotisme doit étouffer la sensibilité. Mais un héros est au-dessus, non en dehors de rhumanilé. S'il va droit à son devoir, sans hésitation et sans déchirement intérieur, alors qu'un suprôme combat devrait se livrer dans son âme, ne dites pas qu'il est surhumain, dites qu'il n'est plus humain. Un héros ne nous émeut que dans la mesure où il est homme, et Horace nous émeut — moins, il est vrai, qu'il ne nous étonne. Songeons combien de sacrifices il doit l'aire à la pairie : il aime son père, et, au moment de marcher à la mort, il le quitte sans trouble, du moins apparent; il aime sa femme et sa sœur, et il s'apprête à les désespérer. Est-il possible qu'il atteigne sans eifort à celte stoïque impassibilité?

Prenon? cet admirable acte 11, où son caractère se détache avec ur; relief si saisissant. L'acte II s'ouvre précisément par deux scènes oùHoraceest au premier plan, mais se fait voir sous deux aspects assez divers. Dans la première, il sait qu'il est l'élu de Rome, mais il ignore quels seront les élus d'Albe. Ce choix l'enorgueillit, mais l'étonné encore plus. Il est modeste encore, ou tout au moins — car la modestie n'est pas une vertu antique — il est encore éloigné de celte jactance qui gâtera bientôt son héroïsme. Il parle à Curiace en ami. en frère. Dans la seconde scène, il lui parlera en ennemi et ne lui ménagera ni les injustes reproches ni les sarcasmes d'une ironie cruelle. Que s'est-il donc passé dans l'intervalle de la scène n à la scène m? Albe a désigné les Curiaces pour ses champions; il ne veut plus les connaître, et le Ion dont il parle à l'un d'eux change aussitôt, à peu près comme change^le ton de Rodrigue, qui, dans les stances du premier acte, 5'altendrit à la pensée de combattre « le père de Clii- mène » et qui, au second acte, le provoque avec une insultante hauteur. Seulement, la lutle morale qui peut, qui doit se livrer dans l'âme d'Horace entre des sentiments si divers est à peine indiquée dans Horace, tandis qu'elle occupe toute une scène du Cid. La transition manque : on ne voit pas bien pourquoi ce patriotisme, paisible d'abord, prend ensuite des airs de défi. Quelques mois pourtant çà et là laissent deviner l'effort :

Mais vouloir au public immoler ce qu'on aime, S'attacher au combat contre un autre soi-même,

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