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138 POMPEE

N'a plus à redouter le divorce intestin

Du soldat insolent et du peuple mutin.

Mais, ô Dieux! ce moment que je vous ai qtiittée 1245

D'un trouble bien plus grand a mon âme agitée !

Et ces soins importuns, qui m'arrachaient de vous,

Contre ma grandeur même allumaient mon courroux;

Je lui voulais du mal de m'être si contraire.

De rendre ma présence ailleurs si nécessaire; 1250

Mais Je lui pardonnais, au simple souvenir

Du bonheur qu'à ma flamme elle fait obtenir.

C'est elle dont je tiens cette haute espérance

Qui flatte mes désirs d'une illustre apparence,

Et fait croire à César qu'il peut former des vœux, 1255

Qu'il n'est pas tout à fait indigne de vos feux,

Et qu'il peut en prétendre une juste conquête,

N'ayant plus que les Dieux au-dessus de sa tête.

1243. Divorce (dwortium, diverterej, se dit proprement des dissensions entre parents, et entre amis; par extension, de toute espèce de querelle, de trouble, même moral :

Ils ont assez longtemps joui de nos divorces. [Eorace, 299.)

An milieu d'une ville où régnent les divorces. {Sertoriiis, IV, 2.1

Tu mets Jans tons mes sens le trouble et le divorce (Toison d'or, II, 2.)

1245. Corneille emploie souvent que pour où dans tous les sens; voyez les T. 1488 et 1556. C'est ici le qitum des Latins :

Un jour un jour riendia que, par toute la terre.

Rouie se fera craindre à l'égal du tonnerre. (Horace, 9S7.)

1246. A mon âme agitée pour a agité mon âme, tournure familière auï vieux tragiques, qui s'inspiraient en général de ce prinf-ipe : quand le régime du par- ticipe se trou\e placé entre l'auxili.dre et ce participe, il y a toujours, ou presque toujours, accord. C'est un latinisme.

Un antre a trop longtemps votre place occupée. (Rotron, Sœur. V, 6.) Quel dieu de ce désordre a ma maison remplie? (M. Sosies, V, 2.) AucuD étonnement n'a leur gloire flétrie. (Bomcc, 964.) I.e seul amour de Rome a sa main animée. {Ibid., 1655.)

1247. Qui m'arrachaient de vous, qui m'arrachaient d'auprès de vous, me séparaient de vous. Arracher de est plus souvent employé avec un nom de chose, mais Corneille l'emploie avec un nom de personne pour complément :

J'aimais mon Aristie, il m'en vient d'arracher. (Sertorius, 971-7

1233. C'est elle dont; on dirait aujourd'hui : c'est décile que; mais il faut regretter l'ancienne tournure, plus vive que la nôtre.

1237. Ainsi, voilà César qui parle de ses « conquêtes » tout comme le Dorante du Menteur, et qui n'estime les conquêtes politiques que comme une préface naturelle des conquêtes galantes! Toute cette scène est écrite dans le style le plus froidement romanesque; on a besoin de relire, ensuite le Dialogue des Héros de roman, où la raison sévère de Despréaux venge le bon sens .utragé : Plu- tos. u Tous ces héros-là ont-il? fait vœu de ne jamais s'entretenir que d'a- mour? » — Dior.ÈNE. « Cela serait bien beau, qu'ils ne l'eussent pas fait! Et de quoi droit se diraient-ils héros, s'ils n'étaient point amoureux'? N'est-ce pas l'amour qui fait aujourd'hui la vertu héroïque? » Par bonheur. César va bientôt redevenir un véritable héros, de» qu'apparaîtra Cornélie.

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