Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/180

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Les soins de le venger et ceux de te punir.

Tu veux à ce héros rendre un devoir suprême :

L’honneur que tu lui rends rejaillit sur toi-même:

Tu m’en veux pour témoin : j’obéis au vainqueur ;

Mais ne présume pas toucher par là mon cœur. 1720

La perte que j’ai faite est trop irréparable ;

La source de ma haine est trop inépuisable :

A l’égal de mes jours je la ferai durer;

Je veux vivre avec elle, avec elle expirer.

Je t’avouerai pourtant, comme vraiment Romaine, 1T2.Ï
Que pour toi mon estime est égale à ma haine ;
Que l’une et l’autre est juste, et montre le pouvoir.
L’une de ta vertu, l’autre de mon devoir;
Que l’une est généreuse, et l’autre intéressée,
Et que dans mon esprit l’une et l’autre est forcée. 1730

Tu vois que ta vertu, qu’en vain on veut trahir,
Me force de priser ce que je dois haïr :
Juge ainsi de la haine où mon devoir me lie ;
La veuve de Pompée y force Cornélie.

J’irai, n"en doute poiiit, au sortir de ces lieux, 1735

Soulever contre toi les hommes et les Dieux;
Ces Dieux qui t’ont flatté, ces Dieux qui m’ont trompée.
Ces Dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée,
Qui, la foudre à la main, l’ont pu voir égorger :
Ils connaîtront leur faute, et le voudront venger. 1740

Mon zèle, à leur refus, aidé de sa mémoire,
Te saura bien sans eux arracher la victoire :

1716. Les soins, le désir ardent; voyez les v. 1145 et 1763.

1724. La Didon de Jodelle parle comme Cornélie :

Mon denil n’a point de fin. Une mort iniiamaine

Pent vaincre mon amour, non pas vaincre ma haine. (Didon, acte IL)

1726. Cette estime iuvolontaire que César inspire à Cornélie, mais qui ne suffit pas à désarmer sa haine, Cornélie l’avoue dès le III" acte, v. 1072.

1727. En général, Corneille construit l’un et l’autre avec un verbe au singulier : voyez les v. 1086 de Cinna et 830 de Polyeucte. Vaugelas permettait également le’ singulier et le pluriel : mais les grammairiens modernes ne sont pas de l’avis de Chapelain, qui jugeait le singulier plus élégant, et recommandent le pluriel de préférence. Voyez la Grammaire de M. Chassang, p. 308. Quelques vers plus bas (v. 1730), Corneille emploiera encore le singulier avec l’une et l’autre.

1731 . Var. Et comme ta vertu, qu’en vain on vent trahir. (1644-1666.)

1733. Où, à laquelle; voyez les v. 1460, 1469 et 1682.

1734. Ce dédoublement d’une même personne, dit avec raison M. Delaître, est d’un goût contestable.

1738. Cornélie déclame un peu et, qui pis est, se répète; elle a déjà inyecti*’ les dieux 4 la scène i de l’acte V.

1740. Connattre est ici, comme au v. 1525, pour reeonnaUre.