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« LE MENTEUR

abstractions, on pourrait presque dire dans la dissection de Têtre moral.

Quel luxe de détails pittoresques et concrets chez Alarcon ! et comme, à côté de cette prodigalité méridionale, l'art do- Corneille paraît sobre et sévôre ! Il n'y a pas moins de six tableaux dans la Verdnd sospechosa^ . C'est dans la rue des Or- fèvres, las Flaterias , fréquentée du beau monde de Madrid, que don Garcia, écolier tout fraîchement sorti de Salamanque, rencontre Jacinta (Clarice) et Lucrèce, dont Corneille a respecté 1-e nom. C'est dans le cloître du couvent de la Magda- lena — détail bien espagnol — qu'il retrouvera, cachées sous leurs mantilles, les jeunes filles qu'il a entrevues, la nuit, à leur balcon. C'est dans le parc d'Atocha qu'il se battra en duel avec don Juan de Sosa (Alcippe) et que tous deux seront séparés par don Félix (Philiste), leur commun camarade d'Université. Corneille s'est contenté d'un récit, charmant sans doute, mais plus froid ; encore a-t-il pris soin d'éla- guer certains détails caractéristiques, tels que celui àelagmis Dei sur lequel se brise l'épée de Garcia. Le père de celui-ci, don Beltran (Géronte), demande-t-il Jacinta en mariage, le poète, soyez-en sûrs, nous fera assister à cette démarche solennelle, qu'accueillera Jacinta, en présence de son oncle, devenu son tuteur après la mort de ses parents. Jacinta exprime-t-elle le désir de connaître son fiancé, nous verrons, comme elle, passer sous sa fenêtre Garcia et son père, à cheval, et la surprise de la jeune fille en reconnaissant l'étranger de la rue des Orfèvres fe^a l'elfet d'un coup de théâtre, tandis que cette reconnaissance, annoncée, puis oubliée, semble-t-il, par Corneille, est à peine indiquée par un jeu de scène peu intelligibje, qui passe inaperçu. De même, au dénouement, la confusion du trompeur trompé est plus dramatique, parce que, loin d'être renfermée, comme chez Corneille, dans l'âme du menteur, elle éclate aux yeux de tous. 11 suffit pour cela d'un mouvement de Garcia vers celle qu'il croit être Lucrèce et qui est Jacinta, d'un geste de don' Juan- de Sosa, qui lui montre la véritable Lucrèce ; les protestations de Garcia, aux- quelles don Beltran, menaçant, impose silence, nous émeu- vent plus, dès lors, que i'inditférence presque joyeuse avec laquelle Dorante accepte sa mésaventure.

•Si l'intrigue est parfois embrouillée chez Corneille, si l'ac-

��1. Nous eni[/runtons ^Jusieurs dos détails qui sui.vent à l'analyse communiquée par M. Viguier à l'auterr de l'édition des Grands Ecrivains; mais nous ne pou- vons le suivre jusqu'au bout de ses conclusions, beaucoup trop sévères, à notre sens, poui le Menteur de Corneille.

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