24 LE MENTEUR
iie!!e, qui ne se montre pas ici fort soucieux de défendre la yloire de son oncle : « Quoique le Menteur, écrit-ii, soit très agréable et qu'on l'applaudisse encore aujourd'hui, j'avoue que la comédie n'était point encore à la perfection. Ce qui dominait dans les pièces était l'intrigue, et les incidents, erreurs de noms, déguisements, lettres interceptées, aven- tures nocturnes, et c'est pourquoi on prenait presque tous les sujets chez les Espagnols, qui triomphaient sur ces matières. Ces pièces ne laissaient pas d'être fort plaisantes et pleines d'esprit, témoin le Menteur, Don Bertrand de Cigarral et le Geôlier de soi-même ^ ! Mais enfin la plus grande beauté de la comédie était inconnue ; on ne songeait point aux mœurs et aux caractères ; on allait chercher bien loin les sujets de rire dans des événements imaginaires, avec beaucoup de peine, et on ne s'avisait point de les aller prendre dans le cœur hu- main, qui en fourmille ^. » Il y aurait plus d'une réserve à faire sur ce jugement trop absolu : ce que Fontenelle loue dans le Menteur, c'est l'intrigue, c'est l'imbroglio; ce qu'il regrette de n'y pas trouver, ce sont des caractères. Il nous semble, au contraire, que, si amusante que soit l'intrigue du Menteur, malgré les gaucheries signalées plus haut, ce n'est point l'élément original de la pièce. Ici encore, nous serions de l'avis de Geoti'roy, et nous dirions après lui : « On ne peut refuser au Menteur une place très distinguée parmi les bonnes comédies de caractère ^ ». Ce qui a trompé beaucoup de critiques, c'est qu'il n'est franchement, ni une comé- die de caractère, ni une comédie d'intrigue (et qui donc pourrait se flatter de marquer la limite précise qui sépare ces deux catégories de pièces, jusque dans le théâtre de Molière?). C'est même qu'il paraît, à tout prendre, être plutôt une co- médie d'intrigue, si l'on en juge par l'extérieur et par l'im- portance donnée aux incidents variés de l'action. Il serait donc excessif de prétendre que le Menteur est purement et simplement une comédie de caractère ; la vérité, c'est que la part faite à la peinture des caractères, quoi qu'en dise Fon- tenelle, y est fort large, et qu'en cette partie surtout on retrouvele grand Corneille.
On comprendrait mal, en effet, le Menteur, si l'on y voyait un heureux accident dans le théâtre comique de Corneille, si on l'isolait des comédies qui l'ont précédé, qu'il a fait oublier, mais dont il procède. Un coup d'œil jeté sur ces essais juvé-
��1. Ces deux dernières comédies sont de Thomas CorncilU.
2. Vî'e de Corneille.
3. Cours de littérature dramatique, I" messidor an X.
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