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INTRODUCTION. 37

regret, du côté du passé. Le xvn* siècle, où ils avaient placé leuridéar, était moins pour eux le siècle de Corneille que celui de Racine. Par une réaction naturelle, c'est à leurs dépens que les adversaires des idées nouvelles défendirent Pierre Corneille. Fréron ei, aux contins de notre siècle, Geoffroy transformèrent trop souvent en lutte personnelle, en question de parti, ce débat qui eût dû rester tout littéraire.

Toutes les critiques qui furent alors dirigées contre Rodo- yune se peuvent résumer en quelques lignes de Voltaire. Kn- fermé à la Bastille, l'Ingénu et son compagnon de captivité, le janséniste Gordon, lisent le théâtre de Racine et de Corneille*, naais avec quels sentiments divers!

« Quand il lut Vlphigénie moderne, Phèdre, Andromaque, Athalie, il fut en extase, il soupira, il versa des larmes, il les sut par cœur sans avoir envie de les apprendre. « Lisez flodo- gune, lui dit Gordon; on dit que c'est le chef-d'œuvre du « théâtre; les auires pièces qui vous ont fait tant de [laisir sont « peu de chose en comparaison. » Le jeune homme, dès la pre- mière page, lui dit : « Cela n'est pas du même auteur. » — « A quoi le voyez-vous? » — « Je n'en sais rien encore; mais ces vers-là ne vont ui à mon oreille, ni à mon cœur. » — « Oh! ce n'est rien que les vers », répliqua Gordon. L'Ingénu répondit : « Pourquoi donc en faire? » Après avoir lu très attentivement la pièce, sans autre dessein que celui d'avoir du plaisir, il regardait son ami avec des yeux secs et étonnés, et ne savait que dire. Enfin, pressé de rendre compte de ce qu'il avait senti, voici ce qu'il repondit: « Je n'ai guère entendu le com- « mencement; j'ai été révolté du milieu; la dernière scène m'a « beaucoup ému, quoiqu'elle me paraisse peu vraisemblable: « je ne me suis intéressé pour personne, et je n'ai pas retenu « vingt vers, moi qui les reliens tous quand ils me plaisent. » — « Celte pièce passe pourtant pour la meilleure que nous ayons. » « — « Si cela est, répliqua-t-il, elle est peut-être comme bien « des gens qui ne méritent pas leurs places. Après tout, c'est « ici une affaire de goût; le mien ne doit pas encore être « formé. »

Llngénu a tort de douter de lui-même : son goût peut le trom()er, et nous croyons qu'il le trompe; mais il est très exercé déjà. On sent que c» Huron si bien dressé à juger dçs choses

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