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1?8 RODOGONB.

SCÈNE IV

ANTIOGHUS, SÉLEUCUS, RODOGUNE.

��ANTIOCHDS.

Ne vous offensez pas. Princesse, de nous voir

De vos yeux à vous-même expliquer le pouvoir.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que nos cœurs en soupirent:

A vos premiers regards tous deux ils se rendiieni; 900

Mais uu profond respect nous fit taire et brûler,

Et ce même respect nous force de parler.

L'heureux moment approche où votre destinée Semble être aucunement à la nôtre enchaînée.

��808. « Et de quoi Tout-il qu'elle s'offenseT De ce que deux frères, dont l'un doit l'épouser et la fairq reine, joignent à l'offre du trône un sentiment dentelle doit être charmée et honorée T Ce faux goût était introduit par nos romans de chevalerie, dans lesquels un héros était sûr de l'indignation de sa dame quand il Ini avait fait sa déclaration; et ce n'était qu'après beaucoup de temps et de façons qu'on lui pardonnait. » ^Voliairti.) L'observation de Voltaire est juste dant sa généralité ; remarquons pourtant que, dans la circonstance particulière, les excuses d"Antiochus ne sont pas si ridicules. Cette démarche commune et solennelle a un caractère tout autrement embarrassant qu'un aveu isolé. Antio- chus, qui craint avant tout de déplaire à Rodosune, peut donc, sans trop ressem- bler à un héros de VAstire, lui demander pardon d'avance de la contrainte qu'il va lui imposer. Ceci dit, il faut condamner ces cœurs qui soupirent et brûlent, ces yeux tout-puissants auxquels ils se rendent, tout ce jargon de Is galanterie banale, sans parler, au troisième vers de cette scène, de cet en, qui, dit Voltaire, ne paraît se « rapporter à rien ».

901. « Un profond respect ne fait pas brûler; au contraire. » (Voltaire.) Cor- neille, dont la construction est trop elliptique, a voulu dire : nous contraignit à vous aimer sans vous déclarer notre amour; le respect impose le sileoca, mais ne crée pas la passion.

Qui soulTre sans espoir doit souffrir ei se taire.

(BOTBOn, Cléagétior et Doriêtée.)

004. • Aucuwment est un terme de loi qui ne doit jamais entrer dans no vers. » (Voltaire.) Moins absolu que Voltaire, M. Littré constate que l'emploi ae ce mot a vieilli. Jusqu'à la Révolution, dit M. Marty-Laveaui, le Parlement de Paris continua à s'en serrtf dans 1h prononcé de ses anôts : « La Cour, ayant aucunement égard à la requête de N* , prononce...' » Aiwunemenl signifie donc tn quelque sorte, comme l'indique Puretière, qundammodo, comm- Nicot le tra- duit; mais Pellisson le proscrit, quand il n'est pas suivi de la négation. Ce qu'il y a de curieui, c'est que dans une note sur la dédicace de Médée, le m^me Voltaire, qui condamne aucunement ici, écrivait : « Aucunement, vieux mot qui signifie en quelque sorte, en partie, et qui valait mieux que ces périphrases, i ï. y en a de très nombreux exemples chez Corneille et les contemporains :

Qui s'avoue insulvahlu aucuD-'nient s'aciitil'lOi

pSuii» du Menteur, v. nS.)

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