ACTE III, SCÈNE IV. 141
Mais souffrez que je suive enfin ce qu'on m'ordonne :
Je me mettrai trop haut s'il laut que je me donne;
Quoique aisément je cède aux ordres de mon roi,
Il n'est pas bien aisé de m'obtenir de moi. 99't
Savez-vous quels devoirs, quels travaux, quels services,
Voudront de mon orgueil exiger les caprices?
Par quels degrés de gloire on me peut mériter ?
En quels affreux périls il faudra vous jeter?
Ce cœur vous est acquis après le diadème, 99b
Princes; mais gardez-vous de le rendre à lui-mômo.
��sie >? Il l'a heureusement employé dans ses lettres. — Le vers est simple, et pourtant significatif, presque passionné, si l'on croit, avec nous, à une équi- voque volontaire : l'un d'eux, ce n'est pas l'un ou l'antre, mais Antiochus, dont le nom est sous-entendu; on se rappelle avec quel ton d'elTroi elle a parlé (I, 5) d'une union [lossiblo avec Séleucus. Elle dira plus loin à Antiochus : ( Oui, j'aime un de vous deux. »
991. Nous avons déjà rencontré travaux, dans le sens du lalin lahores, fa- tigues, peines (v. 570).
992. « Il est bien étrange qu'elle se serve de ce mot, et qu'elle appelle ca- price l'abomiiiabie proposition qu'elle va faire. » (Voltaire.) Cela 6?t vrai; mais cSt Rodogune qui parle, et elle parle d'une proposition qu'elle va bien- tôt abandonner. Si le capnce est crimmel, Corneille, à tort ou à raison, a voulu que ce ne fût qu'un caprice. Boileau a dit de « monstrueux caprices » (Siitire X) et Corneille emploie souvent ce mot dans un sens énergique :
Ce que peut le caprice, osez -le pir raison.
[Horace, m, IT.) Suivez votre caprice :|offenMi vott amis.
(A^/com^de, IV, t.)
993. Ces degrés de gloire qu'il faut gravir pour s'élever jusqu'à Hodogune. scandalisent encore Voltaire. « Elle appelle un parricide degré de gloire », s'é- crie-t-il. Assurément, au point de vue de la vertu stricte, elle a tort; mais nous sommes en Asie, et tout près de Cléopâtre, dont Rodogune se rapproche en- core plus en ce moment, comme par une sorte d'émulation dans l'audace. Re- prenant donc l'altern itive posée par Voltaire, nous dirons : Si elle parle sérieu- sement, reine et femme, elle doit se figar>;r la vengeance comme un devoir; si c'est une irocie, elle ne joint pas « le comique à l'horreur » ; car de grands effets tragiques en pourront résulter, et cette situation n'a rien qui prête à rire. Ces réserves faites, il os', u^rmis de mentionner, avec le respect qu'on lui doit, l'opinion de M. Ouizot : « Corneille abuse de cet art trop facile de se créer les embarras dont il a besoin. Ainsi Rodogone. prête à épouser celui dos deux princes auquel son devoir la donnera quand il sera déclare l'aîué, ne se croit pas permis de se donner elle-même, sans exiger pour condition que son pre- mier mari soit vengé, c'est-à-dire sans obliger le prince qu'elle choisira à as- sassiner sa mère... Cette épouvantable proposition n'est qu'une subtile inven- tion destinée à fonder la situation du cinquième acte, en plaçant Rodogune elle-même dans la nécessité de prolonger l'incertitude dos deux princes; et lorsque cette incertitude cesse par l'aveu qu'elle fait à Antiochus et par le renoncement do Séleucus, la facilité avec laquelle Rodogune abandonne son projet ajoute encore à la bizarrerie de l'idée qui l'a produit. » {Corneille et son temps,j>. 24^-44.)
995. « Ces idées et ces expressions ne sont pas nettes. Cœur acquis après It diadème! Elle veut dire : Je dois mon cœur à celui qui étant roi sera mon époux. Hendie à lui-même veut dire : gardez-vous de faire dépendre la cou- ronne du service que je vais exiger de vous. > (Voltaire.)
CORNEILLE. — Rodog. 9
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