l’une pour apprendre plus tôt les nouvelles de la mort de Pompée, ou par Achorée, qu’elle a envoyé en être témoin, ou par le premier qui entrera dans ce vestibule ; et l’autre pour en savoir du combat de César et des Romains contre Ptolomée et les Egyptiens, pour empêcher que ce héros n’en aille donner à Cléopâtre avant qu’à elle, et pour obtenir de lui d’autant plus tôt la permission de partir. En quoi on peut remarquer que.comme elle sait qu’il est amoureux de cette reine et qu’elle peut douter qu’au retour de son combat, les trou- vant ensemble, il ne lui fasse le premier compliment, le soin qu’elle a de conserver la dignité romaine lui fait prendre la parole la première, et obliger par là César à lui répondre avant qu’il puisse rien dire à l’autre.
Pour le temps, il m’a fallu réduire en soulèvement tumul- tuaire une guerre qui n’a pu durer guère moins d’un an, puisque Plutarque rapporte qu’incontinent après que César fut parti d’Alexandrie, Cléopâtre accoucha de Césarion. Quand Pompée se présenta pour entrer en Egypte, ceLte princesse et le roi son frère avaient chacun leur armée prête à en venir aux mains l’une contre l’autre, et n’avaient garde ainsi de loùer dans le même palais. César, dans ses Commentaires, ne parle point de ses amours avec elle, ni que la tête de Pompée lui fut présentée quand il arriva. C’est Plutarque et Lucain qui nous apprennent l’un et l’autre; mais ils ne lui font présenter cette tête que par un des ministres du roi, nommé Théodote, et non pas par le roi même, comme je l’ai fait.
Il y a quelque chose d’extraordinaire dans le titre de ce poème, qui porte le nom d’un héros qui n’y parle point ; mais il ne laisse pas d’en être en quelque sorte le principal acteur, puisque sa mort est la cause unique de tout ce qui s’y passe. J’ai justifié ailleurs l’unité d’action qui s’y rencontre par cette raison, que les événements y ont une telle dépendance l’un de l’autre que la tragédie n’aurait pas été complète si je ne l’eusse poussée jusqu’au terme oîi je la fais finir. C’est à ce dessein que, dès le premier acte, je fais connaître la venue de César à qui la cour d’Egypte immole Pompée pour gagner les bonnes grâces du victorieux ; et ainsi il m’a fallu nécessairement faire voir quelle réception il ferait à leur lâche et cruelle politique. J’ai avancé l’âge de Ptolomée afin qu’il pût agir et que, portant le titre de roi, il tâchât d’en soutenir le caractère. Bien que les historiens et le poète Lucain * l’appellent communément rex puer, le roi enfant,
1, Pharsale, Vllf, v. 537 ; X, v. 54