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ACTE 1, SCÈNE I 63

Ce déplorable chef du parti le meilleur. 15

Que sa fortune lasse abandonne au malheur,

Devient un grand exemple, et laisse à la mémoire

Des changements du sort une éclatante histoire.

11 fuit, lui qui, toujours triomphant et vainqueur,

Vit ses prospérités égaler son grand cœur ; 20

Il fuit, et dans nos ports, dans nos murs, dans nos villes;

Et contre son beau-père ayant besoin d'asiles,

Sa déroute orgueilleuse en cherche aux mêmes lieux

Où contre les Titans en trouvèrent les dieux :

Il croit que ce climat, en dépit de la guerre, 25

Ayant sauvé le ciel, sauvera bien la terre,

Et, dans son désespoir à la fin se mêlant,

Pourra prêter l'épaule au monde chancelant.

d'hui comme une faute grave de versiQfation, l'e muet ne pouvant compter comme syllabe en pareil cas. Ménage remarque pourtant (Observations sur Mal- herbe) que par cette manière de scander Corneille n'a lait que se conformer à l'usage de ses prédécesseurs. — Lucain avait dit :

Bxcfaio quse teste projet quia justius arma

Sumpxerit, hœc actes victum factura noccntcm est. {VU, 259-CO.)

15. « Ah \ déplorable prince '. » s'écrie Antiochus dans Ro'loqune. Le'biction- naire de l'Académie, édition de 1604, condamne cette acception de déplorable employé en parlant des personnes et priîscrit de l'appliquer seulement aux choses, Racine pourtant l'appliquait aux personnes aussi bien que Corneille, lorsqu'il mettait sur la scène « le déplorable Oreste » {Andromaque, 46).

16. Lassata triumphis

Descivit fortuna tuis (Lncain, II, 527,)

17. Mémoire est pris ici dans le sens de souvenir de la postérité :

Ce choix ponrait combler trois famill'î? de gloire. Consacrer liautement leurs noms à la mémoire. (Horace, 356.)

O siècles, ô mc7tioire. Conservez à jamais ma dernière victoire. {Cinna, 1697.) Met l'histoiie à se? pieds et toute la mémoire. {Poésies diverses.)

19. Pompée, dit plus durement Montesquieu, u ne sut que céder et fuir ». [Considérations, ch. xi.)

24. D'après une lésrende, c'est en Egypte que les dieus se seraient réfugiés pendant la révolte des Titans; mais on ne voit guère pourquoi Corneille réveille ici ces souvenirs mythologiques et y insiste.

27. On trouve à la fois dans Corneille se mêler à et se mêler dans :

Elle-même leur dresse une embûche an passage.

Se mêle dans les coups, porte partout sa rage. (Rodogune, 260.)

Dans son Lexique. M. Marty-Laveaux, qui cite l'exemple de Potnpée, ne cite pas celui de Rodogune. La Bruyère difait de même : se mêler dans le peuple (Caractères, XI), et Molière : se mêler dans le brillant commerce [Misanthrope, II, 5).

iS. Prêter l'épaule, ou prêter épaule à, épaïUer, soutenir :

Des satrapes déjà tout le corps Irrite

S'offre à pn'ter l'épaule à votie aatoiité. (Rotron. Cosroès, I, S.) Perfides, vous prêtez épaule à leur retraite. {Veuve, 1239.) « Un climat qui prête l'épaule forme une image trop incohérente. » (Voltaire.)

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