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96 ETUDE

D. LOPE.

A qui, Carlos ?

��A mon vainqueur. Qui pourra me l'ôter l'ira rendre à la Reine; Ce sera du plus digne une preuve certaine. Prenez entre vous l'ordre et du temps et du lieu; Je m'y rendrai sur l'heure, et vais l'attendre. Adieu.

��N'y a-t-il là que deux scènes retentissantes? Sommes-nous en- tièrement dans le pays de la fantaisie romanesque, ou du drame à panache et à fanfare? Ne soyons pas si injustes envers Corneille. Eu prenant à l'Espagne un peu de son éclat et de son orgueil qui parle haut, il a gardé la finesse et la netteté françaises. Dans ces scènes de bravoure dont Carlos est l'àme, il était à craindre que le fier aventurier ne concentrât sur lui tous les regards, et que les autres personnages, comme il arrive souvent, ne fussent sacri- fiés pour mieux faire ressortir la grandeur du héros. Avec un art infini, au contraire. Corneille a groupé et varié les caractères, donnant à chacun une physionomie particulière, un rôle distinct dans l'action. Avec quelle bonne grâce aisée, souriante, mais toujours digne, Isabelle préside à ce conseil qui eût pu tourner si aisément à la solennité monotone! Avec quelle présence d'esprit et qujUe adresse spirituelle elle élude les objections et tourne les obstacles! Comme elle est femme! et comme en même temps elle est reine! La noblesse de son royaume a désigné trois prétendants au trône et à sa main; elle accepte qu'on les désigne, mais ne veut pas qu'on les impose. Sans révolte, sans hauteur, avec tact et sim- plicité, elle réserve l'entière liberté de son choix. Dans la complai- sance qu'elle met à se faire raconter des exploits qu'elle connait fort bien, elle laisse percer son estime déjà tendre pour Carlos; mais à peine peut-on deviner des sentiments discrets qui se main- tiennent toujours dans une mesure parfaite. C'est seulement devant les obstacles qu'elle s'exalte et brave à son tour qui la brave. A chacun elle parle avec des nuances de ton très délicates : froide- ment polie envers don Lope, un peu ironique et hautaine avec don Manrique, elle raille avec bienveillance don Alvar. C'est qu'aucun d'eux ne ressemble à l'un de ses rivaux. Don Lope est le parfait Castillan, homme de race, mais homme d'esprit, d'une galanterie

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