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SUR DON SANCHE D'ARAGON 123

Mais là s'arrête la ressemblance : même dans la « comédie hé- roïque », Corneille se montre moins préoccupé de l'extérieur des événements que de l'intérieur de l'homme, et nous avons essayé de montrer combien fine était, dans ce drame du xviie siècle, l'ana- lyse de certains sentiments. Quoi qu'on ait dit de la souplesse avec laquelle Corneille pénétrait dans l'esprit des nations mortes, nous craignons qu'il n'ait surtout peint des Romains, et, le plus souvent, des Romains d'Espagne. Dans un drame purement espa- gnol il se trouvait à l'aise. De là cette « couleur locale » qui fait peut-être la principale originalité de Don Sanche. Carlos n'a jamais les ridicules fanfaronnades, mais il a parfois le verbe haut du matamore. Cette reine si romanesque, ces grands seigneurs si entichés de leur grandesse, ces querelles de préséance, ces duels proposés, ce je ne sais quoi d'éblouissant dans l'impossible, tout nous avertit que nous avons passé les Pyrénées. Mais le grand poète qui devait, deux siècles après Corneille, les faire passer une seconde fois au drame français, écrivait : ■( Le caractère du drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle des deux types, le sublime et le grotesque '. » La « comédie » corné- lienne ne cesse jamais d'être 'i héroïque » ; à aucun moment elle n'est grotesque. Une familiarité, qui n'est point la trivialité et garde toujours un air de distinction facile, y tempère ce que la solennité tragique pourrait avoir d'un peu raide et monotone. Mais les contrastes n'y sont point heurtés, et l'ensemble, malgré des inégalités trop visibles, a de l'harmonie. Hernani et Ruy- Blas — Rxiy-Blas surtout — doivent beaucoup à Lon Sanche; mais Don Sanche reste une œuvre du xvii" siècle.

1. Préface de Cromwell.

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