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138 N1C0.MÈDE

avoir exalté Rome dans ses premières tragédies, écrit Geoffroy*, Corneille prit plaisir à l'numilier dans Nicomède : son génie renversa Tidole que son génie avait élevée, et, après avoir exagéré les vertus de la république, il essaya de rendre odieuses les intrigues du sénat. » Ce n'est là qu'une anlilhèse. Corneille est un peintre et un hislorien, non un avocat. Dans Polynicte il n'est pas sans doute avec les persécuteurs contre les marl}Ts, pas plus que dans Sophoni^bc, par exemple, il ne voit avec plaisir la fière Carthaginoise immolée à l'ambition défiante des Romains, yicomède n'est pas davantage un plai- doyer en faveur de Rome ni un réquisitoire dirigé contre elle. Ce qu'avait d'impérieux ou de perlide la politique romaine à l'égard des rois vassaux, Corneille assurément ne l'ignorait pas, et rien n'est plus profond que ces quelques lignes de son Examen où il caractérise la comluite impéiieuse des Romains envers leurs alliés, « leurs maximes pour les empêcher de s'ac- croître, et les soins qu'ils prenaient de traverser leur gran- deur quand elle commençait à leur devenir suspecte à force de s'augmenter et de se rendre considérable par de nouvelles conquêtes. » Ici encore, Bossuet ne sera guère que l'écho de Corneille lorsqu'il montrera les Romains « curieux surtout, ou de diviser ou de contre-balancer par quelque autre en- droit les puissances qui devenaient trop redoutables, ou qui mettaient trop d'obstacles à leurs conquêtes -. » Mais si le poète est clairvoyant, il n'est pas ingrat envers ces Romains à qui il doit ses inspirations les plus hautes. Au contraire, avec un soin pour ainsi dire filial, il s'applique à les discul- per des actes odieux qui pourraient déshonorer leur nom. C'est ainsi qu'il les fait innocents de la mort dAnnibal :

Ne leur impute pas une telle injustice... Rome l'eût laissé vivre, et sa légalité N'eût point forcé les lois de l'hospitalité 3.

C'est ainsi encore qu'il prête à Flaminius et à Nicomède des sentiments de mutuelle estime. Naguère Annibal, qtii cher- chait partout des ennemis à Rome, « toto orbe terrannn qux- rens aliquos Roinanis hostes, » qui déclarait publiquement sa haine: « Odi, ndioqiie sum Romanis'* », n'hésitait pas à les déclarer invincibles au dehors : « Neque regem neque genlem

i. Cours de littérature aramatique.

2. Discoiirs sur l'/iistoire imirarselle, 111,6.

3. Nicomède, I, .ï.

4. Tite-Liv.-, XXXV, 19.

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