Ces Parthes, aujourd’hui la terreur des Romains ?…
Mais quel soin vous conduit en ce pays barbare ?
Est-ce la guerre enfin que Néron me déclare ?
Qu’il ne s y trompe pas : la pompe de ces lieux,
Vous le voyez assez, n’éblouit point les yeux :
Jusques aux courtisans qui me rendent hommage,
Mon palais, tout ici n’a qu’un faste sauvage ;
La nature, marâtre en ces affreux climats.
Ne produit, au lieu d’or, que du fer, des soldats ;
Son sein tout hérissé n’offre aux désirs de l’homme
Rien qui puisse tenter l’avarice de Rome.
Mais, pour trancher ici d’inutiles discours,
Rome de mes projets veut traverser le cours :
Et pourquoi, s’il est vrai qu’elle en soit informée,
N’a-t-elle pas encore assemblé son armée ?
Que font vos légions ? Ces superbes vainqueurs
Ne combattent-ils plus que par ambassadeurs ?
Je n’entrevois que trop l’intérêt qui vous guide.
Eh bien ! puisqu’on le veut, que la guerre en décide.
Retournez, dès ce jour, apprendre à Corbulon
Comme on reçoit ici les ordres de Néron[1].
Ce discours de Pharasmane est une amplification chaleureuse, un beau morceau de rhétorique. Mais il y a autre chose que de la rhétorique dans Nicomède, il y a de la politique, et une politique très approfondie. Pharasmane est un barbare qui a pris des leçons d’éloquence, mais dont les sentiments sont absolus, la haine immuable et monotone. Nicomède se souvient qu’il a du sang grec dans les veines : jusqu’en ses colères, presque toujours contenues, toujours railleuses, il garde je ne sais quel atticisme de haut goût. On dira peut-être que cette sorte de discrétion apportée dans l’expression de passions violentes n’est rien moins qu’orientale, et que le vrai Nicomède n’eût point ainsi parlé, comme il n’agissait pas ainsi. Ce Nicomède II[2] qui ne recula point devant le meurtre de son père, et mérita d’êre appelé, par dérision, Philopator, devait être une sorte de despote asiatique assez farouche et vindicatif, peu scrupuleux sur le choix des moyens, peu soucieux de la vie des autres, surtout quand la sienne est menacée, peu disposé à faire assaut d’ironie avec un adversaire. Il ne tue point son père, il ne frappe point au visage Flaminius, graves fautes contre la couleur locale. Mais Corneille s’inquiétait médiocrement de cette vérité tout extérieure à laquelle nos contemporains attachent tant d’impor-