Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/168

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dans une étreinte fraternelle, Attale plus héroïque et Nicoméde plus indulgent.

On le voit, si l’héroïsme de Nicomède, jamais égal et monotone, n'exclut pas quelques faiblesses, discrètement indiquées, la faiblesse d’Attale, toujours intéressante, soit en ses défaillances, soit en ses relèvements, n’exclut pas certains élans d’un héroïsme tempéré. Par malheur, le doux Allale est pris et un peu écrasé entre les caractères ailiers de Nicomède et de Laodice. Qu’est Laodice, sinon un Mcomède d’un sexe durèrent :

L’amante d’un héros aime à lui ressembler.

Elle lui ressemble trop : fine autant que vaillante, joignant beaucoup de pénétration à beaucoup de fierté, beaucoup d’esprit à beaucoup de cœur, capable d’observer avec sang-froid tout autant que de s’indigner, elle professe la même haine des Romains, le même dédain de Prusias et d’Attale. Digne fiancée de Nicomède, ironique et allière comme lui, comme lui intrépide jusqu’à la témérilé, tantôt elle parle le langage simple et ferme d’une héroïne véritable, tantôt elle prend le ton d’une princesse de roman ou d’une précieuse, tantôt enfin, femme de tête avant tout, elle raisonne, dis- serte, ergote, confond l’ambassadeur romain, qui ne s’attendait pas à trouver en elle une dialecticienne consommée, ou crible de ses traits moqueurs le prétendant ingénu qui voudrait prendre dans son cœur la place de Mcomede. Elle a dans son orgueil ce je ne sais quoi d’un peu tendu et de légèrement déclamatoire qu’on remarque en l’orgueil de Nicoméde ; elle ne se fait pas une idée moins haute des devoirs que lui impose son rang, et ne descendra jamais « à l’hymen d’un sujet- », ou même d’un roi qui ne serait roi « qu’en peinture 3 ». La communauté de sentiments et de pensées est telle entre les deux amants, que parfois les paroles de Laodice semblent un écho aflaibli des paroles de Micomède.

Cette alliance étroite de deux âmes nous toucherait davantage si le rôle de Laodice était plus personnel. En apparence Nicomède ne diffère point sous ce rapport des chefs-d’œuvre classiques. Le duo traditionnel des amants cornéliens n’en est-il pas l’àme ? L’admiration n’y est-elle pas inséparable de

1. Suréna, IV, 2.

2. Nicomède, I, 1.

3. Ibid., V, 6.