Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/167

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INTRODUCTION loc

,11 se redresse devant Flaminius; à merveille! Mais tout à l'heure il lui prodiguait les témoignages d'une humble recon- naissance. Il voit clair dans la politicjue romaine et s'aperçoit enfin que Nicomède avait raison ; mais tout à l'heure, quand Prusias livrait aux Romains Nicomède, il acceptait sans re- mords la couronne arrachée à l'héritier légitime. C'est lors- qu'il est blessé dans son amour, déçu dans ses espérances, qu'il se ressouvient de sa fierté. Encore une fois, ce n'est là que l'occasion, ce n'est pas la cause unique de son revire- ment ; mais comment un doute ne subsisterait-il pas, com- ment une défiance vague ne survivrait-elle pas, dans l'esprit du spectateur, à cette révolte imprévue et tardive? Qu'au prix d'une injustice on enlève à Mcomède sacrifié Laodice qui l'aime, Attale est satisfait; mais que, l'injustice accomplie, on refuse à ce même Altale cette même Laodice, qui ne l'aime pas, voilà qui ne peut se souffrir. C'est un enfant qui devient homme, nous le sentons, et nous faisons large la part de la sincérité dans sa palinodie, comme de la naïveté dans ses illu- sions d'autiefois. Mais cet homme-enfant a le malheur d'avoir pour frère un homme déjà lait, un héros éprouvé. A l'un s'attache peu à peu notre sympathie indécise, mais à l'autre, à l'autre seul, va droit notre admiration tout entière ; et notre admiration ne se trompe pas.

Même au cinquième acte, où Attale transfiguré nous appa- raît comme un jeune dieu sauveur, nous ne le voyons pas sans peine réduit à jouer un rôle et à se cacher, comme d'un crime, de l'acte généreux par lequel il hâtera le dénouement. Longtemps on se demande si sa conversion est définitive, sa résolution arrêtée, si les mauvaises influences ne reprendront pas le dessus, et le poète se plaît à prolonger cette incerti- tude dramatique. Peut-être le timide Attale est-il mal affermi encore dans l'indépendance; peut-èlre a-t-il appris des autres l'art de dissimuler et le prafique-t-il avec succès à son tour, contraint qu'il est à se défier de tous et trop assuré de l'ac- cueil qu'ils feraient à ses déclarations loyales. De toute ma- nière, il y a quelque chose d'équivoque jusqu'en sa généro- sité; à un but honnête il atteint par des sentiers un peu détournés. Il fait son devoir, mais Nicomède ne l'eût pas fait ainsi. INe nous en plaignons pas : grâce à cette discrétion in- volontaire ou volontaire d'Attale, cette figure délicate, aux traits un peu fuyants, reste dans un charmant clair-obscur et laisse seule en pleine lumière la figure au relief plus franc de Nicomède. Le coup de théâtre qui les rapproche n'en est que plus saisissant, étant plus inattendu, et ce dé- nouement est fait pour nous plaire, qui nous montre, unis

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