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i6i NICOMÉDÉ

meiil impossible : « Le caractère de Nicomède avec une intri- gue lerrible, telle que celle de Rodogime, eiil été un chef- d'œuvre '.» Mais précisément ce caractère ne peut resler ce qu'il est si Tiiilrigue se transforme. Qu'Arsinoé devienne une Cléopfitre sinistre, Prusias un despote impérieux aux san- glants caprices, Flamiiiius et Atlaledcs traîtres odieux, Mco mède à coup sûr devra changer à leur égard d'attitude et dt ton. L'ironie sonnerait faux dans un drame qui aboutirait <à un assassinat. Avec le sourire, l'admiration elle-même aurait disparu : car c'est dans le mépris qu'inspire Prusias que se retrempe et se rajeunit, pour ainsi dire, à tout instant notre admiration pour Nicomède. Ktant donnés Prusias et Nico- mède, celui-ci doit parler à celui-là comme il lui parle : leur langage à tous deux n'est que l'expression exacte de leur caractère et de leur situation. On ne concevrait pas plus Prusias exprimant avec solennité des sentiments bas que M- comède exprimant son indignation généreuse avec une dignité toujours égale. Mais ce qui fait le charme heureux de cette pièce, unique peut-être en son genre, c'est qu'il n'y a pas opposition, il y a conciliation, fusion intime de l'élément comique et de l'élément tragique. Point d'antithèses heurtées, mais des contrastes dramatiques au plus haut degré, parce qu'au plus haut degré ils sont humains.

Au reste, l'épreuve que réclame Voltaire a été faite, et faite avant Nicomcde, dans le Cosroès de Rotrou (1G40). « L'intrigue de Cosi'ocs ressemble à celle de Nicomède : une belle-mère veut faire passer la couronne sur la tête de son fils, au préjudice d'un fils aîné. Dans Nicomcde, les événe- ments ne sortent pas du cercle de la tragi-comédie, et comme Corneille a fait de son héros un railleur, cette rail- lerie donne le ton à la pièce. Dans Cosroès, au contraire, tout est tragique et terrible ^. » Il est malaisé de croire que Cor- neille ait oublié la dernière grande œuvre de son plus cher ami, dont la mort sublime était encore toule récente. Déjà Rotrou avait écrit Venceslas, dont la rivalité d'un père et d'un fils fait le fond; mais il n'y a nulle ressemblance entre Pru- sias et ce Venceslas si héroïquement père et roi ; il n'y en a pas entre Nicomède et ce sanglant Ladislas, que dévore l'impa- tience de régner. C'est, il est vrai, une sédition populaire qui arrache à son père sa grâce et fait le dénouement ; mais le prince qui eût pu jouer ici le rôle d'Attale est mort trop tôt, frappé par son frère. Bien des différences peuvent être aussi

i. Commentaire sur Nicomède.

t. Saint Marc Girardin, Cours de littérature dramatique, II, S.

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