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qu'elle se juge perdue. Dès que Nicomède l'épargne, elle se résigne fort bien à vivre, et ce drame, qui eût été si '.acilement terrible, s'achève sur un sourire. Hotrou ne sourit pas; lui- même, le doux el triste Mardesane se met à l'unisson de sa mère, et refuse de plaider une cause qui d'avance était ga- gnée :

J'ai trop de votre orgueil pour me soumettre à vous...

— Eti bien, Prince, la mort domptera cet orgueil.

— On ne peut mieux tomber du trône qu'au cercueil.

Il se tue, Sira s'empoisonne, et Coroès, arrivé trop tard pour la sauver, la suit dans la mort. D'un bout à l'autre de celte pièce vigoureuse et sombre, une véritable horreur tra- gique pèse sur l'âme. L'impression que laisse Nicomède est sereine et fortifiante. Si la situation finale a pu sembler un peu bourgeoise, si, excepté Araspe (et qui le regrette .'), per- sonne ne manque à celte réconciliation qu'on voudrait moins complète peut-être, du moins n'avons-nous pas à compter les cadavres et pouvons-nous à notre aise nous abandonner à l'admiration que méritent et l'héroïsme éprouvé de Nicomède et la générosité nouvellement révélée d'Attale.

C'est à Corneille seul que nous devons la figure si curieuse de Prusias, dont la tragédie de Rotrou ne pouvait lui donner aucune idée. Il esl vrai qu'il avait l'histoire sous les yeux; mais on peut dire qu'ici il a « idéalisé » le personnage his- torique en le peignant plus parfait dans la bassesse, (^e n'est pas la première l'ois qu'il mettait à la scène un caractèrede ce genre. Sans parler de don Fernand, ce roi bonhomme du Cid, et de Ptolomée, ce roi obséquieux et traître de Pompée, les caractères de Félix et de Valens, dans Polyeucte et dans Théodore, annonçaient celui de Prusias. Comme eux, Prusias est une àme plutôt médiocre que criminelle, mais d'une fai- blesse incurable, capable de tout, excepté de vertu. Il est roi à peu près comme ils sont gouverneurs, et a le même souci, le souci unique de plaire aux maîtres qu'il craint, avec cette différence que l'empereur esl loin de Mitylène et d'Antioche, tandis que Flaminius, surveillant déliant, est tout près. Des trois, c'est le roi qui est le moins libre. La situation de Pru- sias ressemble plus particulièrement à celle de Valens en ce qu'il subit aussi la domination d'une femme altière. Mais Arsinoé cesse d'être altière lorsqu'elle est en face de son mari; elle est souple alors, caressante et doucereuse. La lemrae de Valens, Marcelle, impose sa volonté, et Valens, après

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