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Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/278

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266 NICOMEDE

Et puisque vous voyez mon àme tout entière,

Seigneur, ne perdez plus menace ni prière. OUO

FLAMINIUS.

Puis-je ne pas vous plaindre en cet aveuglement?

Madame, encore un coup, pensez-y mûrement :

Songez mieux ce qu'est Rome et ce qu'elle peut faire,

Et si vous vous aimez, craignez de lui déplaire.

Cartilage étant détruite, Antiochus défait, 905

Rien de nos volontés ne peut troubler l'effet :

Tout fléchit sur la terre, et tout tremble sur l'onde ;

Et Rome est aujourd'hui la maîtresse du monde.

��La maîtresse du monde! Ah! vous me feriez peur.

S'il ne s'en fallait pas l'Arménie et mon cœur, 910

Si le grand Annibal n'avait qui lui succède.

��902. Sur l'expression encore un coup, aujourd'hui []lus taniilière, voyez la note du V. 202.

910. La construction il s'e/i faut telle chose, comme il s'en faut de telle chose, semble d'abord assez particulière, dit M. Godefroy ; au fond, elle ne diffère pas de la forme il s'en faut beaucoup, il s'en faut quelque chose : <. La Valteline est à nous, et s'il s'eu faut quelque chosi', ce n'est qu'un fort qui n'est pas meilleur que les autr.-s qui se sont rendus. » (JMalherbe, Lettre à Hacan, 18 janvier, 1623.) — « Ce n'est pas là une bonne traduction de cet admirable passage d'Horace : Et cuncta ten-arum subacta, prxter atrorem animum Catonis. » (Voltaire.) Ce mou- vement énerg-ique, cet élan d'indignation, montre une àme digne de Nicomède, et tous ces discours pourraient soutenir la comparaison avec ceui du prince que nous admirions tout à l'heure. C'est ici qu'.' la grandeur du sentiment ennoblit l'expression, et fait monter l'ironie à la hauteur de la tragédie. Corneille n'a pas songé à traduire une ode latine, c'est l'âme de Laodice qui a parlé, et la citation d'Horace n'a rien à faire ici. Cette expression, objet de la critique : « .\h ! vous me feriez peur », et d'ailleurs si vigoureusement relevée ensuite, me semble très heureuse, parce qu'elle allie une délicatesse de femme à toute cette mâle élo- quence. Ici elle est d'un très bel etfet. (Naudet.) L'imitation d'Horace, on la trouve dans ces beaux vers de Cinna (III, 4) :

11 peut faire trembler la terre sous ses pas, Mettre un roi hors du trône, et donner ses Etats, De ses proscriptions rougir la teire et l'onde Et changer a son gré l'ortire de tout le monde ; Mais le cœur d'.Eniiiie est hors de son pouvoir.

911. N'avait qui lui succède, n'avait quelqu'un qui lui puisse succéder, la- tinisme.

Je n'aurai qui tromper, non pins que gui nie trompe. (Illusion, 13»9.)

Cette construction a étonné Lekain, qui propose de substituer ces deux vers à ceux de Corneille :

Si le grand Annibal n'avait dans i>iieomèile

Un successeur illustre, un prince à qui tout cède.

La construçiion au prince Nicomède l'avait choqué aussij on le voit, à torf. Sur

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