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SUR SERTURIUS 397

rôle prêpoudéraDt de la raison raisonnante. Cependant il est le point de départ d'une réaction contre les abus du drame oratoire, et l'on doit convenir que ce genre de drame, pour nous cap- tiver, a besoin d'être soutenu par une force bien rare de génie et dans l'invention et dans le style : les talents moyens, qui sont le plus grand nombre, y échouent. Ce qui n'est pas moins remar- quable, c'est que l'intempérance du raisonnement au théâtre a été surtout attaquée par des raisonneurs, qui ont raisonné au théâtre comme partout ailleurs, par Voltaire, par Diderot. Celui- ci fait dire à l'un de ces personnages qu'il anime de sa verve et de sa vie exubérante : » Je n'entends point les règles, et moins encore les mots savants dans lesquels on les a conçues. .Mais je sais qu'il n y a que le vrai qui plaise et qui touche. Je sais encore que la perfection d'un spectacle consiste dans l'imitation si exacte d'une action, que le spectateur, trompé sans interruption, s'ima- gine assister à l'action même. Or y a-t-il quelque chose qui res- semble à cela dans les tragédies que vous nous vantez ? C'est en vain que l'auteur cherche à se dérober; mes yeux percent, et je Taperçois sans cesse derrière les personnages. Cinna, Sertorius, .Maxime, Emilie, sont à tout moment les sarbacanes de Cor- neille i. »

11 y aurait trop à répondre à Diderot, qui — et il l'a prouvé par ses propres œuvres théâtrales — méconnaît absolumeut, nous ne disons pas les règles savantes, mais les conditions essentielles de tout drame. Aucun genre plus que le genre dramatique ne vit de conventions : costumes, décors, jeux de la lumière et de l'ombre, attitude et débit des acteurs, tout l'extérieur du drame n'est que convention ; comment le drame lui-même pourrait-il être « l'imi- tation exacte » de la vie réelle? Il n'est et ne peut être, suivant l'expression d'un novateur même 2, qu'un « miroir de concentra- tion », qui renvoie certains traits grossis, certains autres atténués. Est-ce que la vie réelle nous offre des drames tout faits, qui se déroulent en quelques heures ? Est-ce que les caractères et les situations n'ont pas besoin d'être dégagés d'un enchevêtrement souvent inextricable de menus détails et de faits insignifiants ? Si l'on admet cette large part de convention dans le drame, — et il faut bien l'admettre, sous peine d'écrire un drame inintelligible

1. Les Bijoux indiscrets.

2. V. Hugo, Préface d« CromwM,

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