Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/410

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au public, qui veut coinpreudrc pour admirer, — si l'on recounaît au poète le droit de présenter certaines choses sous un certain jour, poui'quoi refuserait-on à deux hommes illustres le droit de s'entretenir lunguenient des graves intérêts qui les touchent de si près ? Dans la vie réelle, ijuisqu'on parle de réalité, ces longs entretiens souvent sont possibles et souvent nécessaires ; toute la ditférence, c'est que le poète condense en beaux vers ce qui dans la réalité se dit en prose assez vulgaire.

La question se réduit à se demander si les personnages disent bien ce C{u'ils doivent dire, s'ils agissent et parlent conformément à leur caractère, soit historique, soit plutôt dramatique, et à la si- tuation où ils sont placés; en un mot, si le poète a réalisé, non pas la vérité absolue, qui d'ailleurs serait banale, mais la vérité re lative, c'est-à-dire s'il a atteint le vraisemblable. Or, si l'entretien de Ciuna, de Maxime et d'Auguste, des conjurés et du « tyran », a son importance dramatique, la « conférence » de Sertorius et de Pompée ne semblera pas moins émouvante au fond : car ce n'est pas seulement d'une rivalité personnelle qu'il s'agit; les plus gra- ves intérêts de Rome et de la liberté sont eu jeu. Ajoutez que, nous le verrons bientôt, Pompée est poussé par un motif particulier très sérieux à demander uue entrevue à son adversaire. C'est par là même, c'est par l'impatience qu'il a de revoir sa femme, réfugiée dans le camp de Sertorius, que Corneille explique l'imprudence de sa démarche*. Nous voj'ons donc en face l'un de l'autre, non seulement deux partis, mais deux hommes, animés de sentiments très divers, dont quelques-uns se devinent plus qu'ils ne s'expli- quent. L'entretien sans doute demeure « inutile », comme le re- connaît Sertorius, mais inutile seulement en fait et parce qu'il n'aboutit à aucun résultat pratique ; il n'est pas inutile dramati- quement, puisqu'il oppose deux grandes figures, dont l'antithèse fait précisément le foud de la tragédie.

Sertorius, en effet, domine le quatrième acte, et Pompée le cin- quième. Il est difficile de ne pas admirer l'indomptable énergie de Sertorius, aux prises avec tant de difficultés. S'il ignore la trahison que médite Perpenua, il sait que son armée est lasse d'une guerre sans issue, et que les officiers de Pompée ont profité de l'entrevue des deux chefs pour séduire des esprits trop bien préparés déjà.

1. Au lecteur.

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