440 ÉTUDE
11 suffit que pour trop et trop bien vous aimer 11 n'est point de discours qui le puisse exprimer. Mais j'atteste le Ciel que ma foi non commune Regarde .Massinisse, et non pas sa fortune, Et qu'en pareil degré de fortune et d'ennui Ce qu'il a fait pour moi, je l'aurais fait pour lui.
Pourtant, au milieu même de son bonheur, de tristes pressenti- ments l'assiègent, trop tôt ils se réalisent; Scipion fait mander Massinissa, et tient à ce vassal de Rome le langage tantôt le plus ironique, tantôt le plus hautain :
Eh bien, cher Massinisse, est-il sous le soleil
Un roi dont le bonheur soit au vôtre pareil?
Quoi ! bons Dieux ! dans le cours d'une même journée
Recouvrer un royaume et faire un hyménée!...
Massinisse en un jour voit, aime et se marie.
A-t-on jamais parlé d'une telle furie?...
Par quelle autorité prenez-vous le butin
Qui doit appartenir à l'empire latin?
Ne savez-vous pas bien que c'est là son partage ?
Sophonisbe est donc à Rome seule, et Rome refuse k Massinissa ce présent fimeste. En vain il essaye de la fléchir; par la bouche de son consul elle maintient froidement sonimmuable volonté. Ici se relève le caractère du prince numide, remarquable seulement jusque-là par sa promptitude à s'enflammer ; il n'est pas un Pru- sias et le prouve :
LÉUE.
J'ai charge de vous dire et de vous ordonner De rendre Sophonisbe ou de l'abandonner Comme chose au public utile et nécessaire ; Avisez maintenant ce que vous voulez faire,
MASSINISSE.
Me perdre, et par ma mort apprendre à tous les rois A ne suivre jamais ni vos mœurs ni vos lois, Cruels, qui sous le nom de la chose publique Usez impunément d'un pouvoir tyrauuique. Et qui, pour témoigner que tout Vous est permis. Traitez vos alliés comme vos ennemis.
Du moius il tient parole à Sophonisbe; Rome ne la verra point captive. Elle avale le poison que son époux désespéré lui envoie, et meurt héroïquement, en fille d'Asdrubal. Lui aussi, Massinisse, saura mourir. Pourquoi vivrait-il?
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