Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/49

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SUR HERACLIUS 3^

D'un uuage confus couvre sa destinée :

L'assassin sous cette ombre échappe à ma rigueur,

Et, présent à mes yeux, il se cache en mon cœur.

Martiaii ! A ce uom aucun ne veut répondre.

Et l'amour paternel ne sert qu'à me confondre.

Trop d'un Héraclius en mes mains est remis;

Je tiens mou ennemi, mais je n'ai plus de fils.

Que veux-tu donc, nature, et que prétends-tu faire?

Si je u"ai plus de fils, puis-je encore être père ?

De quoi parle en mon cœur ton murmure imparfait?

Ne me dis rien du tout, ou parle tout à fait ^ :

Qui que ce soit des deux que mon sang ait fait naître.

Ou laisse-moi le perdre, ou fais-le-moi connaître.

toi, qui que tu sois, enfant dénaturé, Et trop digne du sort que tu fes procuré. Mon trône est-il pour toi plus honteux qu'un supplice? O malheureux Phocas! ô trop heureux .Maurice! Tu recouvres deux fils pour mourir après toi. Et je n'en puis trouver pour régner après moi! Qu'aux honneurs de ta mort je dois porter envie, Puisque mou propre fils les préfère à sa vie !

Combien la situation devient plus poignante encore, lorsque [.éontine. amenée devant ce tyran qui est un père, refuse de l'éclairer et jouit de ses angoisses!

PHOCAS, à Léontine. Approche, malheureuse.

HÉRACLIUS, à Léontine.

Avouez tout, Madame. J'ai tout dit.

LÉONTINE, « Héraclius. Quoi, Seigneur?

PHOCAS.

Tu l'ignores, infâme! Qui des deux est mon fils?

LÉONTINE.

Qui vous en fait douter?

��1. Voltaire remarque que « ces deux beaux vers de cette admirable tirade » ont été imités par Pascal : « Voyant trop pour nier et trop peu pour m'assurer, je suis dans un état à plaindre, et ou j"ai souhaité cent fois que, si un Dieu soutient la nature, elle le marquât sans équivoque; et que, si les marques qu'elle donno sont trompeuses, elle les supprimât tout à fait; qu'elle dît tout ou rien. » (Ed. Havet, t, I, p 197.)

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