Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/519

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épouvante, et s’était fuit un tel empire sur les rois qui l’accompagnaient, que, quand même il leur eût commandé des parricides, ils n’eussent osé lui désobéir. Il est malaisé de savoir quelle était sa religion : le surnom de Fléau de Dieu^, qu’il prenait lui-même, montre qu’il n’eu croyait pas plusieurs. Je l’estimerais arien, comme les Ostrogoths et les Gépides de son armée, n’était la pluralité des femmes, que je lui ai retranchée ici. 11 croyait fort aux devins, et c’était peut-être tout ce qu’il croyait. 11 envoya demander par deux fois à l’empereur Valeatiuian sa sœur Honorie avec de grandes menaces, et, l’attendant, il épousa Ildione, dont tous les historiens marquent la beauté, sans parler de sa naissance. C’est ce qui m’a enhardi à la faire sœur d’un de nos premiers rois, afin d’opposer la France naissante au déclin de l’empire. Il est constant qu’il mourut la première nuit de son mariage avec elle. Marcellin dit qu’elle le tua elle-même, et je lui en ai voulu donner l’idée, quoique sans effet. Tous les autres rapportent qu’il avait accoutumé de saigner du nez, et que les vapeurs du vin et des viandes dont il se chargea fermèrent le passage à ce sang, qui, après l’avoir étouffe, sortit avec violence par tous les conduits. Je les ai suivis sur la manière de sa mort ; mais j’ai cru plus à propos d’en attribuer la cause à un excès de colère qu’à un excès d’intempérance 2. » II nous semble que Corneille lui-même indique à merveille et la grandeur et la faiblesse du caractère qu’il a créé. Le mélange de ruse et de force qui fait la physionomie particulière d’Attila, est bien compris ; mais l’on voit poindre déjà l’idée de la rivalité entre Honorie et IMioae, qui prétendent à la main du despote, et surtout on est surpris, pour ne pas dire plus, de l’importance dramatique attribuée à cette hémorrhagie nasale d’où le poète tirera son bizarre dénouement. Sur ce dernier point il faut passer condamnation et dégager au plus tôt le drame de ces détails étranges. Dès le début de l’acte II, on nous prévient obligeamment que le poète a fait son héros

D’un héros qui saigne du nez 3,

1. Ce mot (ie ftéaxi, souvent mal compris, doit être pris au propre, flagellum Dei, le fouet de Dieu qui châtie les peuples. " Notre faiblesse gémit sous les fléaux de Dieu. « (Bossuet, l" Serm., (Juinquagés.)

2. Au lecteur à Attila. — Sur le passage de cet Avertissement relatif à la moralité du théâtre, voyez l’Étude d’ensemble, t. I.

3. Lettre en vers, déjà citée.