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SUR TITE ET BÉRÉNICE 549

arrache à Antiochus le secret de Titus, s'étonne, s'irrite et se désespère.

Acte IV. — Ce violent désespoir de Bérénice ébranle la résolu- tion de Titus, qui la revoit et ne peut se résoudre à la quitter.

Acte V. — Enfin le sacrifice est accompli: Bérénice partira, mais elle restera fidèle au souvenir de Titus, et Antiochus n'a rien à espérer.

Incontestablement la pièce de Racine est plus simple que celle de Corneille. « Il y en a, dit-il dans sa préface, qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d'invention. Ils ne songent pas qu'au contraire toute l'invention consiste à faire quelque chose de rien, » et il raille les complications de certaines intrigues, ce <i grand nombre d'incidents, refuge ordinaire des poètes qui ne peuvent remplir cinq actes ». Si l'épigramme est à l'adresse de Corneille, elle porte à faux. Pour Tite et Bérénice même, elle ne se- rait qu'à moitié juste. Corneille s'était dit sans doute ce que dit plus tard Voltaire : « Un amant et une maîtresse qui se quittent ne sont pas, sans doute, un sujet de tragédie. » Et il a cherché à rendre le sujet plus tragique. Il est vrai qu'il n'y a pas réussi :car le sujet, on l'a remarqué ', » était plus dans le goût secret et se- lon la pente naturelle de Racine ». L'amour de Domitie et de Domi- tiau, dont il a emprunté l'idée à Xiphilin, est d'une froideur extrême. Mais Antiochus fait-il, chez Racine, beaucoup meilloure figure que Domitian chez Corneille? Sa passion n'est-elle pas bien languissante, et son Héla^! termine-t-il bien tragiquement la pièce? Pour tout dire, son caractère n'est-il pas à peu près inutile à une action faite « de rien », et dont on peut admirer l'exquise délicatesse plus que la force dramatique?

La supériorité de Titus sur Tite est plus certaine, du moins au point de vue de la tragédie : car, au point de vue de l'histoire, le rôle de Tite a ses beautés, que M. Desjardins met en lumière avec une admiration peut-être indiscrète 2. Non pas que le caractère de Titus soit irréprochable : Saint-Évremond a pu critiquer, au nom de l'histoire, le désespoir exagéré de Titus aussi bien que celui de Tite, et .M. Deltour reconnaît que le héros de Racine, victime d'une situation fausse, fait penser à Énée en fac^ de Didon. « On ne fait pas sagement une folie 3, » dit-il avec raison à propos de ce long

1. Sainte-Beuve, Portraits littéraires, I.

2. Le grand Corneille historien.

3. Les Ennemis de Racine.

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