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SUR PULCHÉRIE 577

plus que jamais, et l'affirme avec une chaleur de passion qui ne lui est pas ordinaire :

Rien n'en détachera mon cœur que le trépas ; Encore après ma mort n'en répondrais-je pas, Et si dans le tombeau le Ciel permet qu'on aime, Dans le fond du tombeau je l'aimerai de même.

Mais son devoir, sa « gloire » s'oppose à sa passion. Puisque les sénateurs n'ont point choisi Léon, elle en saura choisir un autre; mais en l'abandonnant elle lui restera fidèle au fond du cœur. Elle permet à la fille de Martian, Justine, âme discrète et tendre, d'ai- mer Léon et de se faire aimer de lui ; mais elle ne veut pas que Justine prenne son rôle trop au sérieux. Elle entend ne plus aimer, du moins au grand jour, mais elle ne peut se résigner à n'être plus aimée. Enfin le sacrifice s'accomplit : Martian, vieil homme d'État, est l'époux le plus capable de l'aider à soutenir l'empire chance- lant; c'est lui qu'elle choisit; mais, en partageant son pouvoir, elle entend réserver sa personne. Associé à l'empire, l'amoureux .Martian n'aura jamais que le titre d'époux de Pulchérie :

Je ne veux plus d'époux, mais il m'en faut une ombre... Prêtez-moi votre main, je vous donne l'Empire.

En mariant Léon à la fille de Martian (sacrifice plus pénible en- core), elle assure dans f avenir à celui qu'elle aime l'empire, qu'elle se croit obligée de lui refuser dans le présent. Voilà ce cinquième acte qu'admire si fort Fontenelle, dont le chevalier de Mouhy semble l'écho : « La pièce, écrit celui-ci, débute par des vers admi- rables, mais l'ensemble n'y répond pas; le cinquième acte est cependant bien fait et rempli d'intérêt i. » Nous trouvons, pour nous, que ce cinquième acte pousse à l'extrême le système drama- tique de Corneille dans sa seconde manière, et que l'émotion y est singulièrement refroidie, ici par i anus du raisonnement, là par l'exagération de l'héroïsme. L'impératrice y foule trop superbe- ment aux pieds les faiblesses humaines ; elle renonce avec un stoïcisme trop invraisemblable à ce Léon dont rien ne la sépare, si ce n'est le vain fantôme de « gloire » créé par son orgueil. Comment nous intéresser aux fureurs de Léon, qu'adoucit l'espé-

l. Abrégé de l'histoire du théâtre français.

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