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84 ÉTUDE

pour hypothèse, nous préférons celle-là, qui a pour elle d'être con- sacrée par une longue tradition. Après La Monuoye, après Voltaire, le chevalier de Mouhy écrivait de cette pièce :<<Elle n'eut pas de succès dans sa nouveauté. Le prince de Coudé, à qui elle ne plut pas, n'y contribua pas peu. A la reprise elle a réussi, et elle est restée au théâtre '. >■■

L'anomalie que signale le chevalier de Mouhy vaut la peine d'être notée : c'est à la reprise surtout que triompha Don Saiiche. Rien de plus évident si l'on jette les yeux sur les chiffres précis donnés par M. Despois : sous Louis XIV, Don Sanche n'est joué que 17 fois, dont

3 à la cour; sous Louis XV, il n'est pas joué moins de 35 fois, dont

4 à la cour. « La plus célèbre de ces reprises, dit M. Marty- Laveaux, est celle de 1733. Nicolas Racot deGrandval, qui n'est plus guère connu que comme auteur du poème intitulé Cartouche, ou le vice puni, joua don Sanche avec un grand éclat. Forcé d'abandon- ner à Lekain, qui parut en 1730, les premiers rôles tragiques, il se dédommagea, dit Lemazurier, aux reprises de Don Sanche d' Aragon en 1733, de Nicomède en 1734 et de Sertorius en 1738. 11 y joua les principaux rôles de chacune de ces pièces, avec autant de succès que dans ses plus beaux jours. Il remplissait encore le rôle de don Sanche au mois de février 1763 ; mais bientôt, en 1768, il prit sa retraite définitivement et l'œuvre de Corneille demeura sans in- terprète. >' Le même éditeur ajoute qu'une autre reprise, projetée longtemps après, eu 1814, avec Fleury et .M"^ Mars, doublés au besoin par Talma et ^1"^ Duchesnois, après de longs retards, fut interdite par la Restauration triomphante. Était-il donc dans la destinéedece roman dramatique de paraître dangereux pour la sûreté de l'État?

Quoi qu'on fasse, on a peine à s'expliquer et la vogue dont jouit Don Sanche au xvnie siècle, et le discrédit où il est tombé depuis. Au temps de Voltaire, on était fort loin de la Fronde, et, seul, l'in- térêt romanesque du drame subsistait. Mais il semble précisé- ment que ce drame, à mesure qu'on s'approchait de notre époque troublée, devait avoir un regain de popularité. Or, sous Louis XVI, sous la Révolution, sous le premier Empire, sous la Restauration, Don Sanche n'est pas représenté une seule fois !

Enfin, le romantisme fait explosion. Don Sanche va, semble-t-il, partager l'heureuse fortune des Hernani et des Ruy-Blas, ses proches parents. Point. 11 se trouve un certain M. Planât, prudem-

I. Abrégé de l' histoire du théâtre français.

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