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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

mement gros, une bouche énorme et du teint basané, lui donnaient un air hideux. Il s’était d’abord mis au milieu du radeau, et à chaque coup de poing, il renversait ceux qui le gênaient ; il inspirait la terreur la plus grande, et personne n’osait l’approcher. S’il y en eût eu six comme lui notre perte était certaine.

Quelques hommes jaloux de prolonger leur existence se réunirent à ceux qui voulaient conserver le radeau et s’armèrent ; de ce nombre furent quelques sous-officiers et beaucoup de passagers. Les révoltés tirèrent leurs sabres, et ceux qui n’en avaient pas s’armèrent de couteaux. Ils s’avancèrent sur nous en déterminés ; nous nous mîmes en défense ; l’attaque allait commencer. Animé par le désespoir, un des rebelles leva le fer sur un officier ; il tomba sur-le-champ percé de coups. Cette fermeté en imposa un instant à ces furieux, mais ne diminua rien de leur rage. Ils cessèrent de nous menacer en nous présentant un front hérissé de sabres et de baïonnettes, et se retirèrent sur l’arrière pour exécuter leur plan. L’un d’eux feignit de se reposer sur les petites dromes qui formaient les côtés du radeau, et avec un couteau il en coupait les amarrages. Avertis par un domestique, nous nous élançons sur lui ; un soldat veut le défendre, menace un officier de son couteau, et en voulant le frapper, n’atteint que son habit. L’officier se retourne, terrasse son adversaire, et le précipite à la mer ainsi que son camarade.

Il n’y eut plus alors d’affaires partielles : le combat