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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

Sénégal sans accident ; ce sont celles que montaient le gouverneur et le commandant de la frégate. Dans le mauvais temps qui força les autres canots à faire côte, elles eurent beaucoup à souffrir pour résister à une grosse mer et à un vent extrêmement fort. Deux jeunes marins, dans ce moment fort épineux, donnèrent des preuves de courage et de sang froid, savoir : dans le grand canot, M. Barbotin, élève de marine, et dans celui du commandant, M. Rang[1], également élève de marine, aussi recommandable par ses connaissances que par le courage qu’il déploya dans cette circonstance. Tous les deux, tant que dura le mauvais temps, se tinrent au gouvernail et dirigèrent la marche des canots. Un nommé Thomas, chef de timonerie, et un nommé Lange, contre-maître, montrèrent également beaucoup de courage et toute l’expérience de vieux marins. Ces deux embarcations arrivèrent le 9, vers dix heures du soir, à bord de la corvette l’Écho, qui, depuis quelques jours, était mouillée sur la rade de Saint-Louis. Un conseil fut

  1. La conduite de ce jeune marin eût mérité quelque récompense. À la fin de l’année 1816, il y eut une promotion de 80 enseignes, qui devaient être pris parmi les élèves qui comptaient le plus de service ; M. Rang avait déjà huit ans de grade et dix de service, ce qui le classait parmi les soixante-dix premiers ; ainsi, il devait être nommé de droit. À la vérité, on dit qu’il avait été porté sur la liste des candidats ; mais il en fut rayé, parce que quelques jeunes gens (qu’on nomme protégés) se présentèrent au ministère, et durent nécessairement l’emporter.