Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

erré pendant cinq journées entières au milieu de ces déserts affreux qui, de toutes parts, n’offraient à leurs yeux que la plus profonde solitude et l’aspect d’une destruction inévitable.

Pendant le trajet qu’ils parcoururent, ils eurent à lutter contre tout ce qu’ont d’horrible la faim et la soif poussées à l’extrême. Leur soif était telle, que la première fois que plusieurs d’entre eux découvrirent de l’eau dans le désert, l’égoïsme fut poussé au point, que ceux qui avaient trouvé ces sources bienfaisantes, s’agenouillaient quatre ou cinq près du trou qu’ils venaient de creuser. Là, les yeux fixés sur l’eau, il faisaient signe de la main à leurs compagnons de ne pas s’en approcher, qu’ils avaient trouvé les sources, et qu’eux seuls avaient droit de s’y désaltérer. Ce n’était qu’après les plus grandes supplications qu’ils accordaient un peu d’eau au malheureux dévoré d’une soif brûlante. Lorsqu’ils rencontrèrent des Maures, ceux-ci leur procurèrent quelques secours ; mais ces barbares poussaient l’inhumanité jusqu’à ne pas vouloir leur indiquer les sources qui sont répandues sur le rivage. Une avarice sordide les faisait ainsi agir envers les malheureux naufragés ; car lorsque ceux-ci avaient passé un des puits, les Maures en tiraient de l’eau qu’ils leurs vendaient jusqu’à une gourde le verre. Ils exigeaient le même prix d’une petite poignée de mil.

Lorsque le brick vint près de la côte pour secourir ces infortunés, une grande quantité de naturels