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CHAPITRE VIII.

sa place, où tout joyeux il raconta à ses camarades ce qu’il venait de voir. Plusieurs Français s’étant aperçus de la démarche du Maure, en firent part à M. Picard, qui se décida (d’après les offres obligeantes des officiers) à revêtir ces dames d’habits militaires, ce qui par la suite prévint toute tentative de la part des habitans du désert.

Avant d’arriver au Sénégal, l’officier irlandais dont nous avons déjà parlé, fit l’achat d’un bœuf. On le tua à l’instant même ; on ramassa le plus qu’on put de matières susceptibles de s’enflammer, et lorsque l’animal fut divisé en autant de parties qu’il y avait d’individus, ceux-ci fixèrent leur part à l’extrémité de leurs sabres ou de leurs baïonnettes, et préparèrent ainsi un repas qui fut délicieux pour eux.

Pendant tout le temps qu’ils restèrent dans le désert, du biscuit, du vin et de l’eau-de-vie, en très-petite quantité, avaient été leur principale subsistance. Quelquefois, à force d’argent, ils obtenaient des Maures du lait et du mil ; mais ce qu’il y avait de plus pénible pour eux, c’est qu’au milieu de ces plaines de sables, il leur était absolument impossible de se dérober aux rayons d’un soleil de feu qui embrase l’atmosphère de ces régions désertes. Assiégés par une chaleur insupportable, manquant presque des premiers besoins, quelques-uns d’eux perdirent un peu la raison ; l’esprit de révolte se manifesta même pendant quelques instans, et deux officiers, dont la conduite est cependant irréprochable, étaient désignés pour les premières