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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

la plus grande. Ces faibles êtres ne pouvaient poser leurs pieds délicats sur des sables brûlans, et d’ailleurs n’étaient pas capables de marcher long-temps. Les officiers eux-mêmes vinrent au secours des enfans et les portèrent alternativement ; leur exemple entraîna quelques personnes qui les imitèrent. Mais ayant rencontré les Maures, qui ne voyagent jamais dans ces déserts sans avoir avec eux leurs châmeaux et leurs ânes, tout ce qui n’était pas en état de faire route monta sur ces animaux. Pour l’obtenir il fallait payer jusqu’à deux gourdes pour une journée ; ensorte qu’il était impossible à M. Picard, qui avait une famille nombreuse, de subvenir à tant de dépense : ses respectables filles furent donc obligées de marcher à pied. Un jour à l’heure de midi, qui était le moment de halte, l’aînée, excédée de fatigue, chercha la solitude pour prendre quelques instans de repos, et s’endormit sur le rivage Pour se garantir des moustiques, elle s’était recouvert la poitrine et la figure avec un grand schall. Pendant que tout le monde se livrait au sommeil, un Maure de ceux qui servaient de guides, soit par curiosité, soit par un tout autre sentiment, s’approcha d’elle tout doucement, examina soigneusement ses formes, et après cette première inspection, qu’il ne trouva pas sans doute suffisante, il s’avisa de soulever le voile qui recouvrait sa poitrine, y fixa attentivement ses regards, resta pendant quelques instans comme un homme vivement étonné. Après l’avoir bien observée, il laissa retomber le voile et revint à