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CHAPITRE VIII.

Quelques âmes craintives se défiaient de leur intention. Pour moi, ainsi que les plus prudens parmi nous, je pensai qu’il fallait entièrement se confier à des hommes qui se présentaient en petit nombre et se confiaient eux-mêmes à nous, tandis qu’il leur eut été si facile de venir en assez grand nombre pour nous accabler. On le fit et l’on s’en trouva bien.

« Nous partons avec nos Maures qui étaient des gens très-bien taillés et superbes dans leur genre. Un noir, leur esclave, était un des plus beaux hommes que j’aie vus. Son corps, d’un beau noir, était vêtu d’un bel habit bleu dont on lui avait fait cadeau. Ce costume lui allait à merveille ; sa démarche était fière, et son air inspirait la confiance. La défiance de quelques-uns d’entre nous qui avaient leurs armes nues, et la crainte marquée sur le visage d’un certain nombre, le faisaient rire, Il se mettait au milieu d’eux, et plaçant la pointe des armes sur son estomac, il ouvrait, les bras pour leur faire comprendre qu’il n’avait pas peur, et qu’ils ne devaient pas non plus le craindre.

« Après avoir marché quelque temps, la nuit étant venue, nos guides nous conduisirent un peu dans les terres, derrière les dunes, où étaient quelques tentes habitées par un assez grand nombre de Maures. Beaucoup de gens de notre caravane s’écrient qu’on les conduit à la mort. Mais nous ne les écoutons pas, persuadés que de toutes les manières nous sommes perdus, si les Maures veulent notre perte ; que d’ailleurs ils ont un véritable intérêt à nous conduire au Sénégal, et