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CHAPITRE VIII.

tomber sur le sable, et je me trouvais dans la plus profonde léthargie. Rien ne m’était plus pénible que d’entendre, au bout d’un quart-d’heure ; debout, en route.

« Je fus une fois tellement accablé que je n’entendis rien : Je restai étendu par terre pendant que toute la caravane passait à mes pieds. Elle était déjà très-loin, quand un traîneur m’aperçut heureusement : il me pousse et me réveille enfin. Sans lui, mon sommeil aurait duré sans doute plusieurs heures. Lorsque je me serais réveillé seul au milieu du désert, ou le désespoir aurait terminé mes souffrances, ou j’aurais été fait esclave par les Maures, ce que je n’aurais pu supporter. Pour éviter ce malheur, je priai un de mes amis de veiller sur moi, et de se charger de me tirer du sommeil à chaque station, ce qu’il fit.

« Le 10 juillet, vers les six heures du matin, nous marchions sur le bord de la mer, quand nos conducteurs nous prévinrent d’être sur nos gardes et de prendre nos armes. Je saisis mon couteau ; on rallie tout le monde. Le pays était habité par des Maures pauvres et pillards, qui n’auraient pas manqué d’attaquer les traîneurs. La précaution était bonne. Quelques Maures se montrent sur les dunes : leur nombre augmente, et bientôt surpasse le nôtre. Pour leur en imposer, nous nous mîmes en rang sur une ligne avec les épées et les sabres en l’air. Ceux qui n’avaient pas d’armes agitaient les fourreaux, pour faire croire que nous étions tous armés de fusils. Ils n’approchaient