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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

lesquels tout était préparé pour nous bien recevoir. Je me rappellerai toujours la tendre hospitalité que nous ont donnée en général les habitans de Saint-Louis, Anglais et Français. Tous, nous fûmes accueillis ; nous eûmes tous du linge blanc pour changer, de l’eau pour nous laver les pieds ; une table somptueuse nous attendait. Pour moi, je fus reçu avec plusieurs compagnons de voyage, chez MM. Durécu et Potin, négocians de Bordeaux. Tout ce qu’ils possédaient nous fut prodigué[1]. On me donna du linge, des habits légers, enfin tout ce qu’il me fallait. Je n’avais plus rien. Honneur à celui qui sait aussi bien secourir les malheureux ; à celui surtout qui sait le faire avec autant de simplicité et si peu d’ostentation que le faisaient ces messieurs. Il semblait que c’était un devoir pour eux de secourir tout le monde. Ils auraient voulu ne rien laisser aux autres du bien qui était à faire. Des officiers anglais réclamèrent avec ardeur le plaisir, disaient-ils, d’avoir quelques naufragés ; quelques-uns de nous eurent des lits ; d’autres de bons matelas étendus sur des nattes, dont ils se trouvèrent très-bien. Je dormis mal cependant, j’étais trop fatigué et trop agité ; je me croyais toujours ou ballotté par les flots, ou sur des sables brûlans.

  1. M. Brédif écrivit ses notes avant que MM. Durécu et Potin eussent présenté à chaque naufragé la note de leurs dépenses, lesquelles se sont élevées à 8 fr. 50 c. par jour. Voilà quelle a été la générosité des deux négriers dont parle ici M. Brédif.