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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

sans être extrêmement étonné, la manière dont ils nettoient leurs bestiaux. Le prince donne l’ordre ; aussitôt des hommes commis à cet emploi prennent des bœufs très-forts par les cornes, et les renversent sur le sable avec une facilité étonnante. Des esclaves désignés se saisissent de suite de l’animal, lui enlèvent de dessus le corps tous les insectes qui, malgré les feux dont sont entourés les troupeaux, parviennent à se glisser dans les poils des animaux qu’ils tourmentent. Après cette première opération, on les lave avec soin, principalement les vaches, qu’ensuite on se met à traire. Ces diverses opérations occupent ordinairement les esclaves et même les maîtres, jusqu’à onze heures du soir. M. Kummer fut ensuite invité à se reposer sous la tente du prince ; mais avant qu’il pût se livrer au sommeil, il fut assailli d’une foule de questions. L’histoire de la révolution française est parvenue jusque chez ces peuples, et ils firent à notre naturaliste des questions qui le surprirent beaucoup. Ils lui demandèrent en outre pourquoi nos navires ne venaient plus à Portendic et aux îles d’Arguin : après quoi ils le laissèrent prendre quelques instans de repos. Mais le pauvre Toubabe ( nom que les Maures donnent aux blancs) n’osait se livrer au sommeil ; il redoutait la perfidie de ses hôtes et leur esprit de rapine. Cependant, accablé par trois jours de fatigues continuelles, il s’endormit quelques instans ; mais il ne put goûter qu’un sommeil très-agité, pendant lequel les barbares lui enlevèrent sa bourse, qui contenait encore trente