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CHAPITRE X.

ils continuèrent leur route et ils eurent effectivement à se louer des noirs, qui ne les laissèrent manquer de rien. À mesure qu’ils approchaient de la ville, les Maures devenaient beaucoup plus doux ; et lorsqu’ils furent sur le point de passer le fleuve pour entrer à Saint-Louis, le prince Muhammed remit à M. Kummer la montre qui lui appartenait. Le gouverneur français accueillit très-bien le prince et sa suite. Il leur fit donner environ 60 francs en pièces de deux sous ; cette somme leur parut énorme, car ils en furent très-satisfaits. Cela porte à croire qu’ils ne connaissaient pas la valeur de la gourde lorsqu’ils en demandèrent huit cents pour la rançon de chacun de nos deux voyageurs. Ce fut le 22 juillet qu’ils arrivèrent, après avoir erré pendant seize jours dans les sables brûlans du désert de Sahara, et avoir supporté tout ce que peuvent avoir d’affreux la soif et la faim, principalement l’infortuné M. Rogery, qui eut à subir tous les caprices des Maures.

Tous les naufragés échappés à ces désastres se trouvant rassemblés à Saint-Louis, nous comptions entrer de suite en possession de nos établissemens. Mais après que le gouverneur anglais, M. Beurthonne, eut appris notre naufrage, soit de son propre mouvement, soit qu’il eût reçu des ordres de son gouvernement à cet égard, il refusa de rendre la colonie. Ce contretemps força le chef supérieur de l’expédition française à prendre des mesures pour attendre de nouveaux ordres de France. Il lui fut enjoint de faire partir sur-le-