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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

Zaïde, lesquels vinrent à Saint-Louis annoncer cette nouvelle. Ces infortunés auront été la proie des monstres marins, qui sont en très grande quantité sur ces rivages de l’Afrique.

Victimes malheureuses ! nous déplorons la rigueur de votre sort ! Comme nous, vous avez été en butte aux plus affreux tourmens ! comme nous, livrés au hasard sur un radeau, vous avez eu à lutter contre ces besoins si pressans que l’homme ne peut maîtriser, la faim et la soif poussées à l’extrême ! Notre imagination nous reporte sur votre funeste machine ; nous y voyons votre désespoir, vos fureurs ; nous apprécions enfin toute l’étendue de vos souffrances, et vos malheurs nous arrachent des larmes. Il est donc vrai que l’infortune d’autrui frappe plus vivement celui qui a déjà eu à combattre la rigueur d’un sort pareil ! L’homme heureux croit à peine au malheur, et souvent accuse celui dont il a causé les désastres.

Un matelot qui s’était refusé à s’embarquer sur ce radeau, voulut aussi gagner la terre, quelques jours après les premiers ; il se mit dans une cage à poules, mais à une demi-encablure de la frégate il fut submergé.

Quatre hommes se décidèrent à ne pas abandonner la Méduse, allégant qu’ils aimaient mieux mourir à bord que d’aller affronter de nouveaux dangers, qu’il leur paraissait impossible de surmonter. Un de ces quatre venait de mourir de besoin quand la goélette arriva ; son corps avait été jeté à la mer. Les