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CHAPITRE XI.

trois autres étaient très-faibles, et deux jours plus tard on n’aurait trouvé que leurs cadavres. Ces malheureux occupaient chacun un endroit séparé, et n’en sortaient que pour aller chercher des vivres qui, dans les derniers jours ne consistaient qu’en un peu d’eau-de-vie, du suif et du lard salé. Quand ils se rencontraient, ils couraient les uns sur les autres, et se menaçaient de coups de couteau. Tant que le vin avait duré avec les autres provisions, ils s’étaient parfaitement soutenus ; mais dès qu’ils furent réduits à l’eau-de-vie pour boisson, ils s’affaiblirent de jour en jour[1].

On prodigua à ces trois hommes les soins qu’exigeait leur état, et tous les trois sont maintenant en pleine santé.

Après avoir donné les secours nécessaires aux mal-

  1. Ces abandons ne sont malheureusement pas très-rares dans les fastes de la marine. La frégate l’Utile échoua, en 1760, à l’île aux Sables, et quatre-vingt-sept malheureux furent abandonnés, malgré les promesses de venir les chercher que leur firent les trois cent vingt naufragés, qui se sauvèrent presque tous à Madagascar. Quatre-vingts noirs ou noires périrent faute de secours, les uns de misère, les autres en essayant de se sauver sur des radeaux : sept noires et un enfant, qui restèrent pendant quinze années dans l’île aux Sables, furent exposés à toutes les rigueurs de la plus cruelle position, et ont été sauvés en 1776 par M. de Tromelin, commandant la corvette la Dauphine.

    Le bot le Favori, commandé par le capitaine Moreau, en 1757, rencontra, le 26 mars de la même année, l’île Adu ; il