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CHAPITRE XII.

du Gouvernement et les individus qui croient sans doute entrer dans ses vues, semblent faire gloire d’une conduite diamétralement opposée.

Ces messieurs, quelques jours après l’arrivée des naufragés, ayant appris leur cruelle position, vinrent dans l’hôpital, et emmenèrent avec eux les quatre officiers qui déjà étaient en état de sortir ; ils les invitèrent à partager leur repas en attendant la remise de la colonie[1].

Quarante jours s’étaient passés depuis que les compatissans Anglais étaient venus au secours de ses quatre compagnons d’infortune, sans que l’affligé Corréard en eût personnellement ressenti les effets. Sa santé était fortement ébranlée, par suite des souffrances inouies qu’il avait éprouvées sur le radeau. Ses blessures lui occasionnaient des douleurs très-vives, et il était obligé de garder l’infirmerie ; d’ailleurs il manquait absolument de vêtemens, n’ayant rien autre chose pour se couvrir que le drap de son lit dans lequel il s’enveloppait. Depuis le départ du gouverneur il n’avait point entendu parler des Français, ce qui l’inquiétait surtout et redoublait l’envie qu’il avait de se rapprocher de ses compatriotes, dans l’espérance de trouver près d’eux

  1. Presque tous les jours ils mangeaient avec les officiers anglais ; mais le soir il fallait rentrer dans le funeste hôpital, où gémissaient une infinité de victimes. S’il arrivait qu’un de ces convalescens manquât de venir, leurs hôtes généreux et bienveillans envoyaient à l’hôpital s’informer avec sollicitude de la cause de son absence.