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CHAPITRE XII.

vous avez emporté les regrets et la reconnaissance d’un cœur où sont gravés vos nobles bienfaits.

Pendant ces apprêts de secours inattendus, assis sur le pied de son grabat, M. Carréard était accablé par la pensée de sa misère et livré aux plus déchirantes réflexions. Tout ce qu’il voyait l’affectait plus profondément que les scènes affreuses qui s’étaient passées sur le radeau. Dans la plus grande chaleur des combats, se disait-il, la douleur de mes blessures n’était point accompagnée de ce sombre découragement qui m’abat, et qui, par une marche lente, mais sure, me conduit à la mort ! Il y a deux mois, j’étais un homme intrépide, capable de résister à toutes les fatigues ; aujourd’hui, renfermé dans cet affreux séjour, mon courage s’est évanoui ; tout m’abandonne. J’ai en vain demandé quelques secours à ceux qui sont venus me voir, non par humanité, mais par une froide curiosité : c’est ainsi qu’on allait voir, à Liège, le brave Goffin, après que, par son courage, il se fut tiré des éboulemens des mines de houille où il avait été enseveli. Mais lui, plus heureux que moi, fut récompensé de la décoration de la Légion d’honneur et d’une pension qui lui assura l’existence[1]. Si j’étais en France,

  1. L’événement de la houillère de Beaujon, ainsi que l’a fort bien dit un journaliste ( Annales du 29 décembre 1817), « assure une longue célébrité au nom du brave Goffin, dont l’Académie française, par un prix de poésie, et la ville de Liège, par un grand tableau historique exposé au salon,