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CHAPITRE XIII.

voile le 29 juillet au soir. Elle avait à son bord cinquante-trois naufragés, dont trois officiers de marine,


    Voici enfin, à force d’intrigue et de charlatanisme de tous les genres, le Figaro-nautique sur un théâtre un peu plus vaste que l’atelier d’un passementier. Cependant » comme on revient toujours à ses premières habitudes, et que lorsqu’on prend du galon on n’en saurait trop prendre, le droguiste-ingénieur-commandant-administrateur débute, en arrivant au Sénégal, par tout bouleverser. Pour mieux organiser le désordre, il arrange aussi, pour son usage particulier une petite collection de maximes. Il place à leur tête celle-ci, sur laquelle tout le monde est d’accord : « Quand on appartient à la marine, c’est pour pécher en eau trouble. »
    On va voir combien la digne créature des Forestier, des Carpentier, des Portier, a été fidèle à la maxime favorite de tous nos tripoteurs nautiques : et qu’on ne vienne point ici élever le moindre doute sur l’exactitude de nos assertions ; les faits sont puisés dans les écrits de MM. Giudicelly et Morenas, adressés aux deux Chambres. Ces deux courageux citoyens, honorés des injures de M. Courvoisier, demandent à grands cris une enquête sur les affaires du Sénégal ; on se gardera bien de l’ordonner. À défaut d’une flétrissure légale, attachons du moins au carcan de l’opinion publique tous les marchands de chair humaine.
    Sur le premier plan de cet hideux tableau se présente Schmaltz. En partant de France pour son gouvernement, ses discours respiraient la philantropie la plus pure. Il devait, arrivé au Sénégal, employer un système de culture qui n’admettrait que des mains libres. C’était par elles, et par elles seulement, que les déserts arides de Sahara devaient s’ombrager bientôt des cotonniers Fleurian. Ce plan était absurde ; mais que ne fait-on pas croire à ce bon Mauduit ? Schmaltz avança, avec un aplomb imperturbable, que M. Potin avait