Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
CHAPITRE XIV.

époque M. Decazes était déja favori, et très-souvent il était contrarié dans le conseil par M. Dubouchage, alors ministre de la marine. Un homme médiocre peut entendre la vérité sans en être offensé ; mais un jeune ambitieux, qui veut marcher sur les traces de l’homme le plus extraordinaire que la terre ait produit, n’eut point cette force de caractère : dès lors, il conçut le projet de faire chasser M. Dubouchage du ministère de la marine. L’événement du naufrage de la Méduse était admirable. Le courtisan Forestier était l’ami intime de M. Decazes, et ce dernier, dit-on, lui avait promis le ministère de la marine. On pense bien qu’ils agissaient de concert, et, pour atteindre leur but, ils adressèrent au rédacteur du Journal des Débats la relation que M. Savigny avait rédigée. Au reste, celui qui la reçut à Brest était loin de vouloir nuire à l’auteur de cet écrit. S’il avait eu la moindre idée de tous les désagrémens qu’occasionna la publicité qu’il donna à sa relation, en la montrant à plusieurs personnes, il l’eût plus soigneusement conservée, ou du moins il l’eut remise immédiatement au ministre de la marine, à qui elle était destinée. Cette publicité, par la voie du Journal des Débats, attira à M. Savigny les plus vives remontrances. Dès le jour même il fut appelé à la marine. On lui dit que son excellence était mécontente, et qu’il eut à prouver de suite qu’il était innocent de la publication de nos malheurs, dont toute la France s’affligeait en s’intéressant au sort des victimes. Mais tout avait changé pour celle-ci : au