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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

public me refusa toujours le titre de monsieur, que pourtant il accorda bien à M. Depradt[1]. D’où vient cette différence entre deux hommes accusés d’un délit semblable aux yeux de la loi. Un libraire et un archevêque ne sont-ils plus en France égaux devant, la loi ? Comment se fait-il que chez la nation la plus polie, les magistrats si attentifs à maintenir dans les bornes du respect qui leur est dû, un pauvre accusé, qui, par défaut d’intelligence ou d’éducation, peut ignorer les convenances, se fassent un devoir de supprimer dans

  1. Cette déférence inusitée n’a pas étonné M. de Pradt, qui prétend qu’au lieu de se laisser nommer député, M. Grégoire, autre Jonas, devait demander d’être jeté à la mer. Or M. Depradt se déclarait en même temps candidat ! L’archevêque de Malines manque ici gravement à la charité ou à l’humilité chrétienne. Déclarer M. Grégoire indigne et se mettre sur les rangs ! cette fatuité étonne, quand on connaît l’évêque de Blois ; elle confond, quand on connaît l’aumônier du dieu Mars et l’ex-ambassadeur à Varsovie ; elle indigne quand on se rappelle que l’abbé de Pradt s’est dit long-temps l’ami du sénateur Grégoire.

    M. de Pradt, qui a soixante-deux ans, et paraît en avoir soixante dix, appelle vieillard M. Grégoire, qui a soixante dix ans, et parait à peine en avoir cinquante cinq ; il le présente comme un homme usé par l’âge, ayant le cerveau et la vue affaiblis. Le ministère n’était pas moins loyal lorsque, pour enlever des voix à M. de Lafayette, il publiait en gémissant que ce vétéran de la liberté était tombé eu enfance.

    Si M. Grégoire siégeait à la chambre, je ne crois pas que les champions du ministère gagnassent beaucoup de terrain sur ces deux impotens.