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Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/61

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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

par quelques militaires qui persuadèrent à leurs camarades qu’on voulait les abandonner, pendant qu’on s’enfuirait dans les embarcations, craintes auxquelles donna naissance une étourderie de jeune homme. Plusieurs soldats avaient saisi leurs armes et s’étaient rangés sur le pont dont ils occupaient tous les passages ; mais la présence du gouverneur et des officiers suffit pour lors à calmer les esprits et à rétablir l’ordre.

Bientôt après, le radeau, entraîné par la force du courant et de la mer, cassa l’amarrage qui le retenait à la frégate ; il s’en allait en dérive. Des cris annoncèrent cet accident ; on envoya de suite un canot qui le ramena à bord. Cette nuit fut extrêmement pénible. Tourmentés tous par l’idée que notre bâtiment était entièrement perdu, ballotté par les forts mouvemens que lui imprimaient les vagues, nous ne pûmes prendre un seul instant de repos.

Le lendemain 5, à la pointe du jour, il y avait 3 mètres 70 centimètres d’eau dans la cale, et les pompes ne pouvaient plus franchir : il fut décidé qu’il fallait évacuer le plus promptement possible. On ajoutait que la Méduse menaçait de chavirer ; la crainte était puérile sans doute : mais ce qui commandait plus impérieusement l’abandon, c’est que l’eau avait déjà pénétré jusques dans l’entrepont. On retira à la hâte du biscuit des soutes ; du vin et de l’eau douce furent également préparés. Ces provisions étaient destinées à être déposées dans les canots et sur le radeau. Pour préserver le biscuit du contact de l’eau salée, on le