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CHAPITRE III.

mit dans des barriques dont les douves, exactement jointes et affermies encore par des cercles de fer, répondaient parfaitement au but qu’on se proposait.

Nous ignorons pourquoi ces provisions si bien préparées ne furent placées ni sur le radeau ni dans les embarcations ; la précipitation avec laquelle on abandonna la Méduse fut probablement cause de cette négligence. On porta l’étourderie et la confusion au point que quelques canots ne sauvèrent pas plus de dix livres de biscuit, une petite pièce à eau et fort peu de vin : le reste fut délaissé sur le pont de la frégate ou jeté à la mer pendant le tumulte de l’évacuation. Le radeau seul eut du vin en assez grande quantité, mais pas une seule barrique de biscuit ; si l’on en mit, il en fut débarqué par les soldats lorsqu’ils s’y placèrent. Pour éviter la confusion, on fit la veille une liste d’embarquement et l’on donna à chacun le poste qu’il devait occuper ; mais on n’eut aucun égard à cette sage disposition. Chacun chercha le moyen qu’il crut le plus favorable pour gagner la terre. Ceux qui exécutèrent les ordres qu’ils avaient reçus de se mettre sur le radeau eurent certainement lieu de s’en repentir. M. Savigny était malheureusement de ce nombre : il aurait pu se glisser dans une chaloupe, mais un attachement invincible à son devoir lui fit oublier le danger du poste qui lui fut assigné.

Le moment arriva enfin d’abandonner la frégate. On fit d’abord descendre sur le radeau les militaires, qui presque tous y furent placés. Ils voulaient emporter leurs