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CHAPITRE III.

Les uns craignaient de voir couler la chaloupe, avant qu’elle eût pu joindre le radeau et les embarcations qui s’éloignaient de plus en plus ; quelques autres étaient trop ivres pour penser à leur salut. Les craintes des premiers ( et ce sont probablement ceux qui, d’après la déposition du nommé Dalès, remontèrent à bord ), étaient fondées sur ce que la chaloupe était en très-mauvais état et faisait eau de toutes parts. Après avoir promis aux hommes qui s’obstinèrent à rester, qu’on enverrait à leur secours dès qu’on serait au Sénégal, la bosse fut larguée, et cette embarcation partit pour venir rejoindre la petite division. Avant de quitter la frégate, M. Espiau avait fait hisser à la corne le grand pavillon national[1].

  1. (c)« Je commençais à croire que nous étions abandonnés, « et que les embarcations, trop pleines, ne pouvaient plus prendre personne. La frégate était tout-à-fait remplie d’eau. Assurés qu’elle touchait au fond et qu’elle ne pouvait couler, nous ne perdîmes pas courage. Sans craindre la mort, il fallait faire tout ce que nous pouvions pour nous sauver. Nous nous réunîmes tous, officiers, matelots, soldats ; nous nommâmes pour chef un chef timonnier ; nous jurâmes sur l’honneur de nous sauver tous, ou de périr tous ; M. Petit, officier, et moi, nous promîmes de rester les derniers.
    On pense à faire un autre radeau. On fait les dispositions nécessaires pour couper un des mâts, afin de soulager la frégate. Epuisés de fatigue, il fallut songer à prendre de la nourriture ; la cuisine n’était pas noyée, on alluma du feu : déjà la marmite bouillait, quand nous crûmes voir que la