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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

vingtaine qui n’avaient pu s’embarquer ; mais la chaloupe démunie d’avirons, tenta inutilement de regnagner la Méduse. Un canot essaya sans plus de succès de la remorquer ; elle ne parvint à gagner qu’en envoyant la pirogue chercher de longues manœuvres dont l’une des extrémités fut amarrée sur la frégate, et l’autre, portée à bord de cette chaloupe, qui se toua jusqu’à bâbord du navire. Le lieutenant de vaisseau, M. Espiau[1], qui commandait cette grande embarcation, fut surpris de rencontrer plus de soixante matelots et soldats, et non une vingtaine ; il a même dit le 15 juillet 1819, à M. Corréard, que s’il eût su qu’il y avait à bord soixante-trois hommes, il n’y serait certainement pas revenu. Ainsi ce fut la supercherie du capitaine qui servit les hommes abandonnés, et non le dévoûment raisonné de M. Espiau ; cependant cet officier monta à bord avec M. Brédif, ingénieur des mines dont les discours tendaient à rappeler à la raison ceux dont la présence du danger avait altéré les facultés intellectuelles. M. Espiau fit embarquer avec ordre les hommes qui étaient sur le pont ; dix-sept seulement, ainsi qu’on l’a dit, s’y refusèrent.

  1. On ne peut prononcer dans ce Mémoire le nom de cet officier sans reconnaître les bons services qu’il a rendus en cette occasion. Plusieurs matelots et des militaires étaient restés à bord, il affronta mille périls pour les sauver, et il y parvint. En lui donnant un commandement, le ministère a acquitté la dette de l’état et de l’humanité.